Un autre monde est nécessaire
Marche d’ouvertureMardi 9 août, bel après-midi ensoleillé, vers 15 h, au parc Lafontaine à Montréal.
Marche d’ouverture
Mardi 9 août, bel après-midi ensoleillé, vers 15 h, au parc Lafontaine à Montréal. Le lieu est envahi de couleurs et d’éclats de voix, d’une multitude de pancartes, de banderoles, de drapeaux, d'affiches, de tables de livres, de distributeurs de dépliants et de pétitions à signer. Toutes les causes de justice sociale y sont représentées, du droit à la vie tout court à l’intégrité physique (lutte contre la torture), en passant par les droits des Premières Nations et ceux des femmes, la lutte au pipeline Énergie-Est bien sûr, la démilitarisation, le soutien au peuple palestinien et aux autres peuples à travers le monde, la démocratie, la liberté, la justice, la santé, l’éducation; bref, un gigantesque déploiement de solidarité internationale. Des groupes inconnus venus de 121 pays qui surprennent nos oreilles de sons nouveaux et de rires joyeux. Beaucoup de jeunes. Les syndicats sont de la fête évidemment, eux qui ont tissé des alliances internationales depuis longtemps. Québec Solidaire aussi, qui travaille pour une société vraiment juste et solidaire. J’y rencontre des militants de longue date; poignées de main et accolades suivent. On sent bien la force de cette énergie, de cet esprit de changement, qui nous anime tous et toutes. À 16 h pile, la marche se met en branle, regroupant tout ce monde sous les banderoles et les drapeaux bien identifiés. Il y en a de chez nous : Développement et Paix, FRAPRU, Entraide missionnaire, Amnistie, CSN, CEQ, FTQ, Échec à la guerre, Équiterre, Oxfam, etc. Ça nous rappelle les marches du printemps érable, tellement il y a de monde (autour de 10 000 personnes).
Oui, « un autre monde est nécessaire, ensemble il devient possible », comme le dit le slogan du forum. Je dirais qu’il est urgent1.
Les grandes conférences
Quelque 22 grandes conférences ont eu lieu afin de « sensibiliser les participantes et participants aux défis de l’heure et de stimuler l’engagement citoyen sur des thématiques aussi variées que les changements climatiques, les inégalités socioéconomiques, le racisme, les discriminations, l’impact de la finance internationale et de l’industrie minière, les luttes autochtones, syndicales et féministes, la place des jeunes2 ».
Voici quelques exemples que vous trouverez aussi sur le site du Forum.
« De l’Afrique aux Amériques, les femmes luttent pour leurs droits. Quatre militantes féministes se sont exprimées devant une salle comble à l’Université McGill, venant du Mexique, de l’Inde, du Mali et du Honduras, Bertita Caceres dont la mère, Berta, militante féministe écologique, a été assassinée l’an passé. Elle-même militante écologiste au Honduras, elle a fièrement parlé de la place prépondérante que prennent les femmes indigènes au Honduras dans le combat contre l’appropriation des terres et la surexploitation des ressources. Également, la jeune activiste a insisté sur l’importance d’une lutte intersectionnelle qui s’oppose à la fois au patriarcat, à l’impérialisme et au racisme. »
Impossible de passer à côté du sort du peuple palestinien : « La conférence “Palestiniens sous l’Apartheid, l’occupation et sous le siège” s’est ouverte avec la présentation de Bassel Ghattas, élu palestinien au parlement israélien – la Knesset – qui s’est principalement exprimé sur le parlementarisme en Israël. Pour Zakaria Odeh, directeur de la Civic Coalition to Defend Palestinians Rights in Jerusalem, le peuple de Palestine fait face à un régime d’apartheid colonialiste : “It is ethnic cleansing in a ‘very systemtic, very continuous way’ ”. »
Un autre sujet : « Le revenu de base comme une innovation sociale du 21e siècle ». À cette conférence, on apprend que « dans les années 1800, 94 % de la population mondiale vivait dans la pauvreté extrême. Dans les années 1980, ce chiffre était de 40 % tandis qu’aujourd’hui il est à 10 % ».
Même l’univers virtuel y passe. Comment briser le monopole des grandes entreprises sur les logiciels? Un autre monde numérique est nécessaire : avec le logiciel libre, il devient possible! « Mais qu’est-ce que la liberté digitale? Quand les utilisateurs contrôlent le programme, c’est là la liberté; la liberté, c’est avoir le contrôle de sa propre vie. »
Une autre rappelait le printemps arabe : « Le printemps arabe 5 ans après, l’Égypte en tant qu’exemple. Le thème central était celui de la culture de la paix et de la lutte pour la justice et la démilitarisation. »
Deux conférences très attendues ont été tenues le même soir à l’UQÀM : l’une de Naomie Klein, journaliste canadienne, auteure, cinéaste et militante altermondialiste, sur le climat : « Changer le système, non le climat3 », en compagnie de quatre autres intervenants; l’autre de Riccardo Petrella, politologue et économiste italien, intitulée « Écocitoyenneté et éducation à l’environnement4 ». Il a publié Le manifeste de l’eau, en 1990. Il y avait tellement de monde que beaucoup n’ont pu y assister. C’est dire l’intérêt actuel pour ces questions.
À cette conférence, il fut question d’un manifeste, mis de l’avant par Naomie Klein et d’autres militants, « The leap manifesto/Un bond vers l’avant » (42 125 signatures au 30 août 2016). Un manifeste pour un Canada fondé sur le souci de la planète et la sollicitude des uns envers les autres5.
Du souffle pour le changement
Plus de 35 000 personnes ont participé au FSM, dont beaucoup de jeunes. « C’est un lieu d’émergence de nouvelles pédagogies citoyennes de personnes qui apprennent les unes des autres. C’est un moyen pour renforcer la société civile, la convergence de ses alternatives et créer un plan commun de mobilisations6. » Un tel forum mondial veut brasser avec compétence et détermination la cage infernale du système mondial dominant, des États qui l’appliquent et des gouvernants qui en profitent. Les 200 demandes de visas d’entrée au Canada refusées… et le peu de couverture médiatique, sinon par Le Devoir et Radio-Canada du bout des lèvres, démontrent que ces rassemblements dérangent les puissants de ce monde. Un tel forum démontre surtout les forces vives de notre monde à l’œuvre pour un changement radical des priorités de nos sociétés, pour une humanisation de nos rapports, entre nous comme avec la planète. Ça sent le royaume de Dieu qui s’implante avec force. Ça nous donne du Souffle pour y participer et persévérer.