Un arbre plein de fruits
Le « 853, rue Sherbrooke » est une porte bien connue des groupes de solidarité sociale et de militance chrétienne.
Le « 853, rue Sherbrooke » est une porte bien connue des groupes de solidarité sociale et de militance chrétienne. Des centaines de rencontres de comités, de repas et de fêtes y ont eu lieu. Une maison à vocation sociopolitique et communautaire depuis longtemps où, depuis l’achat de la maison en 1978, se rencontrent les membres de la communauté de base des Chemins et leurs amis. En ce lundi matin frisquet, j’y rencontre Lucille Plourde, membre de la coopérative d’habitation Marie-Gérin-Lajoie et de la communauté de base depuis 2002. « Le témoignage des personnes qui ont participé de près à ces projets communautaires est clair, me dit madame Plourde : Guy Paiement a été la nouvelle âme et l’architecte de la maison, mais c’est en équipe que se sont réalisés le chantier et son développement jusqu’à son décès en 2010. » De fait, « on peut affirmer que la communauté de base des Chemins fut l’apostolat principal de Guy Paiement durant toute sa vie de prêtre, de formateur et de directeur spirituel de chrétiennes et chrétiens éclairés, engagés et libres1. »
Les communautés de base
Lors de ses études doctorales à Paris, Guy s’intéressait aux nouveaux groupes qui surgissaient en Europe et en Amérique. Sa thèse de doctorat portait sur les communautés de base. Dès son retour en 1971, il a « vadrouillé le Québec pour soutenir les communautés de base qui poussaient un peu partout et animé une petite revue d’échanges et de critiques des expériences2 ». C’est alors qu’il décide de fonder sa propre communauté, la communauté de base des Chemins, avec un groupe d’amis et amies qui partageaient ses options spirituelles et sociales. Cette communauté repose sur les quatre axes d'une vie chrétienne authentique : la formation de la foi, le partage fraternel-sororal, l'engagement et la célébration.
Sur la fin de sa vie, Guy Paiement affirmait : « À travers tous ces chemins, je demeure plus convaincu que jamais que nous sommes des nomades et que la soif de plus de justice permet d’apprendre de tout un chacun… Je crois encore aux chemins de traverse et aux gens qu’ils permettent de rejoindre. » (Portes ouvertes, p. 57)Au début, une vingtaine de personnes « se réunissaient tous les vendredis chez l’un ou l’autre des membres. Un partage de foi évangélique, la fraternité, la célébration et la responsabilité collective étaient les liens de force de cette communauté, le tout fondé sur le discernement, le respect de l’autre et la liberté de conscience. Tout en prenant une libre distance du Magistère de l’Église, la communauté de base des Chemins restait solidaire des autres communautés chrétiennes, en paroisse ou hors paroisse3 ». La rencontre d’une femme dynamique et efficace, Marie-France Dozois, lors d’une célébration de la communauté de base des Chemins, en 1976, fera avancer le projet communautaire d’habitation qui compte maintenant huit membres. Aujourd’hui, la communauté de base se retrouve avec un peu moins de membres, qui sont plus âgés, dont plusieurs déjà retraités. Les rencontres sont devenues mensuelles. Toutes et tous sont engagés dans divers enjeux sociopolitiques comme la lutte contre l’austérité et contre la militarisation, la protection de l’environnement, la défense des droits humains, des femmes, des autochtones et des immigrants – ils ont beaucoup marché dans la rue avec les carrés rouges et les casseroles ces dernières années… Ils sont membres actifs de groupes comme l’Autre Parole, ATD-Quart Monde, Développement et Paix, la Maison d’Orléans, les Amis du Monde diplomatique, l’Association des retraités de l’enseignement du Québec (AREQ). Ils sont aussi impliqués de près dans les activités de la coopérative d’habitation. C’est d’ailleurs une exigence pour être membre de la communauté que d’avoir des pieds qui ont de la boue, comme le disait Guy Paiement, qui est toujours présent en esprit. Espace pour la parole et la fête La communauté de base des Chemins regroupe des croyants qui ne se retrouvaient pas dans le format paroissial, sans espace pour la prise de parole ni l’engagement social. Les rencontres mensuelles laissent une grande place au partage de la Parole, du vécu de chacun et chacune et aux enjeux sociaux. Deux heures y sont consacrées en début de rencontre, avant le repas qui est précédé d’une célébration comprenant une parole choisie selon le thème abordé, un échange de points de vue, des chants, des hymnes, des intentions de prière, le partage du pain et de la coupe en mémoire de Lui. Le repas se poursuit jusqu’au milieu de l’après-midi, animé par les échanges des convives. Les membres de la communauté se partagent entre eux l’animation des rencontres selon leurs intérêts. La communauté ayant le sens de la fête, elle organise des soupers collectifs pour des anniversaires ou pour souligner des temps forts comme Noël, Pâques, les Rois, la Fête nationale, avec saynètes éducatives, bien sûr, car le véritable esprit communautaire se vit dans des relations franches et chaleureuses, et l’ouverture à l’autre dans la joie. Et l’avenir? En ce qui concerne l’absence de jeunes dans cette communauté, mon interlocutrice me dit : « Certains participent parfois, mais pas aux rassemblements du dimanche; ils vivent autrement que nous. Je crois que l’Esprit va leur montrer d’autres chemins, d’autres façons d’être solidaires, de se rassembler et de célébrer… » Dieu fait pousser du neuf dans le champ du monde. Scrutant les signes des temps, comme Guy le faisait, et voyant l’engagement des jeunes d’ici pour la justice sociale, la démocratie et l’environnement, madame Plourde est remplie d’espérance.