Le VIH/sida : du jugement à la compassion
Depuis son apparition, l’épidémie de VIH/sida1 a été un grand défi pour les familles, la médecine, les gouvernements, et aussi pour les religions dont les Églises chrétiennes.
Depuis son apparition, l’épidémie de VIH/sida1 a été un grand défi pour les familles, la médecine, les gouvernements, et aussi pour les religions dont les Églises chrétiennes. Dans les Églises, en effet, des discours discriminatoires pouvaient être entretenus contre les personnes atteintes du VIH/sida, fondés sur l’interprétation de cette maladie comme une punition de Dieu envers ceux qui mèneraient une vie dissolue. Ce qui entraînait des attitudes de rejet et de condamnation au sein des assemblées. Les personnes croyantes vivant avec cette maladie qui passaient à GAP-VIES souhaitaient, quant à elles, qu’il se fasse quelque chose dans leur Église concernant l’approche négative de cette maladie et de la sexualité en général. C’est le défi que l’organisme GAP-VIES a eu à relever, lui qui accompagne depuis 1990 des personnes de la communauté haïtienne et africaine vivant avec le VIH2. Comme le dit son directeur, Joseph Jean-Gilles, « le projet “réponse interreligieuse au sida3”, dont Roseline Jultéus est la coordonnatrice, visait à outiller les leaders des Églises, les pasteurs et les laïcs pour intégrer le VIH/sida dans leur discours théologique et à élaborer des habiletés nécessaires pour relever les défis du VIH/sida au sein de leur Église. Parallèlement, développer chez nous un langage compréhensible sur tout le contexte du VIH/sida ».
« Le sida est causé par un virus. La stigmatisation est causée par l’ignorance. Les deux peuvent tuer. » (Dépliant de GAP-VIES)Il y a bien 200 petites communautés chrétiennes protestantes dans l'agglomération de Montréal. Comment atteindre les pasteurs et les laïcs engagés sinon en ouvrant un chemin d’alliance, de collaboration. « La première rencontre en 2009, regroupant une vingtaines de pasteurs, donna lieu à des échanges animés, mais francs, qui mirent en commun nos préoccupations et les valeurs que nous portions, se rappelle M. Jean-Gilles. Je leur ai dit : “Moi, je ne suis pas croyant, mais je porte des valeurs chrétiennes, je pense qu’on peut se parler.” » Il poursuit : « Certains ont même demandé où étaient ces personnes vivant avec le VIH/sida? Je leur ai répondu : “Ils sont dans vos Églises.” » Un comité consultatif interreligieux, incluant des représentants d’organismes communautaires, fut formé pour élaborer la pédagogie et les contenus. Des cellules d’appui au projet furent mises sur pied dans les églises et des sessions d’information, des ateliers, ont suivi. Un outil d’animation comme le film Que puis-je faire? a ouvert les gens à une perspective de compréhension du vécu des personnes atteintes. Des références aux attitudes compatissantes de Jésus – la Samaritaine, Zachée – venaient renouveler la lecture théologique de la maladie. L’Évangile prenait le dessus sur l’Ancien Testament. « Le discours qui juge et condamne a disparu », affirme mon interlocuteur. Un pasteur qui s’était retiré des rencontres est revenu au bout d’un an demander de l’aide à GAP-VIES pour accompagner quelqu’un de sa communauté. Un autre a parlé de « pécher contre l’Esprit » si les pasteurs n’accueillaient pas et n’accompagnaient pas avec compassion les personnes vivant avec le VIH.
« Les femmes représentent plus de la moitié des personnes qui vivent avec le VIH dans le monde. » (Dépliant de GAP-VIES)Aujourd'hui, un séminaire annuel avec les leaders religieux reprend les enjeux du VIH/sida dans les Églises, propose des études de cas et aborde la question de la sexualité. Des dépliants ont été produits : « Campagne de sensibilisation des hommes hétérosexuels québécois d’origine haïtienne (QOH) à des comportements sexuels sécuritaires », « Compassion, source de vie », « Don de soi ». Un guide d’animation et d’intervention est même en projet. Depuis 2009, les trois quarts des 200 Églises ont été jointes et des activités d’information et de formation ont été tenues dans près de la moitié. GAP-VIES offre même des formations aux séminaristes de la faculté de théologie évangélique de l’Université Acadia. Deux étudiants de cette faculté ont fait un stage à GAP-VIES. « Les jeunes changent la donne dans les Églises, ils questionnent plus, s’informent et s’impliquent », dit M. Jean-Gilles. Les Églises retrouvent leur mission sociale concernant cette maladie : « Rompre le silence sur le VIH, contribuer à mettre fin à la discrimination et à la réprobation, déterminer des normes théologiques et éthiques pour favoriser l’accueil, l’entraide, la solidarité, le soutien et la justice sociale4. » Une déclaration commune des Églises en faveur des personnes touchées par le VIH a été publiée (voir la rubrique Intériorité de ce numéro). Soutenu par la Fondation Béati, ce projet a rempli ses promesses.
GAP-VIES a bénéficié du soutien de la Fondation Béati pour ses activités.M. Jean-Gilles est directeur de GAP-VIES depuis 2o ans et a observé des changements de mentalité importants : les personnes vivant avec le VIH ont beaucoup évolué; elles se prennent davantage en main; elles veulent vivre et donner en retour ce qu’elles ont reçu. Beaucoup retournent aux études et choisissent des domaines de service comme le travail social, les soins de santé et l’éducation. Quant aux pasteurs, ils sont plus ouverts et osent aborder ensemble ces questions. Est-ce que nos perceptions des personnes vivant avec le VIH ont autant évolué?