Le Parvis, lieu d’une parole libre
SDF – Quels événements sont à l'origine du Parvis et quels en sont les objectifs?GB – Le Parvis est un fruit de l’indignation de nombreux chrétiens et chrétiennes devant les tendances autoritaires et conservatrices de l’Église.
SDF – Quels événements sont à l'origine du Parvis et quels en sont les objectifs?
GB – Le Parvis est un fruit de l’indignation de nombreux chrétiens et chrétiennes devant les tendances autoritaires et conservatrices de l’Église. À l’occasion du départ pour Rome du cardinal Marc Ouellet, après un septennat pastoral difficile, vécu dans un climat d’insatisfaction, de morosité et de colère pour plusieurs, un groupe de douze chrétiennes et chrétiens soucieux des souffrances et des aspirations de nombreux baptisés de chez nous, décide de se réunir pour structurer cette indignation dans une petite organisation ouverte, démocratique et attentive à l’Esprit. Le Parvis est né.
Le Parvis veut être un lieu de prise de parole forte, libre et significative pour toute personne intéressée à la vitalité de l’Église qui est à Québec. Sa mission consiste à favoriser des échanges ouverts et constructifs sur les enjeux majeurs de l’Église de notre temps et à être un lieu de réflexion, de débats, de discernement, de dialogue en vue d’incarner une présence responsable dans une Église peuple de Dieu.
Le Parvis regroupe des pratiquants et des non-pratiquants, des insatisfaits et des personnes blessées par l’Église, des distants et des fidèles dévoués à la cause. D’où le nom du Parvis : s’il est difficile de se faire entendre à l’intérieur de l’Église, sur le parvis, il sera possible de parler, d’écouter et d’annoncer l’Évangile du Christ qui se veut tout à tous.
SDF – Comment Le Parvis s’est-il développé? Quelles ont été les interventions majeures du Parvis sur des enjeux ecclésiaux et sociaux?
GB – Le Parvis s’est développé au fil des activités de prise de parole avec, en filigrane, la question permanente : de quelle Église rêvons-nous? Les débats sont tous animés par des chrétiennes et chrétiens engagés ou par des théologiens et des théologiennes.
Septembre 2010, première table ronde sous le titre : « Quel évêque à Québec et pour quelle Église? » Quelque 200 personnes (40 attendues) expriment un consensus : recevoir un pasteur tout autre, à l’écoute, au service de son peuple, proche des gens.
Décembre 2010, rencontre sur le thème : « L’Église, forteresse romaine ou ferment de société? » alors qu’en avril 2011, une question est posée : « Les églises ferment : catastrophe ou chance? » Résultat : l’essentiel pour nourrir sa foi n’est pas le bâtiment de pierre ni les structures organisationnelles, mais bien l’attention aux personnes, à leurs besoins, à la vie.
Sur cette triple lancée, une lettre rédigée collectivement est adressée au nouvel archevêque de Québec, Gérald Lacroix, lettre suivie d’une rencontre marquée par un accueil chaleureux et l’absence de langue de bois. Cette rencontre offre au Parvis la possibilité d’exprimer son désir de collaboration et sa volonté d’être présent dans les débats sur l’avenir de l’Église en se faisant porte-parole des sans-voix, des insatisfaits, des blessés et des distants.
L’an deux du Parvis débute par une rencontre très appréciée : « Ni partir ni se taire », avec Anne Soupa et Christine Pedotti, les auteures du livre Les pieds dans le bénitier1 et cofondatrices de la Conférence des baptisés et baptisées de France.
En octobre, lettre d’appui aux indignés dans le journal Le Soleil de Québec et, en février, table ronde sous le titre « De l’indignation à l’action », avec deux des auteurs de L’utopie de la solidarité au Québec2. Le 8 mars, Journée internationale de la femme, lettre du Parvis dans Le Soleil et Le Devoir, suivie, le 27 mars, d’une célébration du pardon, avec absolution collective, malgré le rejet de cette pratique très appréciée des chrétiens et des chrétiennes, si on en juge par le grand nombre de ceux et celles qui y étaient fidèles.
L’année se termine par une lettre du Parvis dans Le Devoir lors de la fête des Travailleurs, le 1er mai, et une conférence publique sur la liberté de conscience et, enfin, une évaluation participative du travail de l’année.
SDF – Quel bilan faites-vous de votre parcours?
GB – Ces différentes activités ont permis l’expression d’une parole libre et engagée, un soutien mutuel, l’expression d’une solidarité et une invitation à garder forte l’espérance. Les membres s’identifient bien au profil du Parvis. Pour eux, le Parvis est un lieu de lumière qui réconcilie les gens avec l’Église, « peuple de la Pentecôte baptisé dans l’Esprit », tout à fait à l’opposé de l’Église-Curie romaine qui se débat avec ses contradictions administratives et ses luttes de pouvoir. La parole échangée se veut vraie et souvent forte. Elle est un appel à dénoncer l’inacceptable et à rester « en veille » par rapport à l’Église de droite que la Curie romaine construit et maintient de différentes façons sans tenir compte des besoins du peuple de Dieu dans un monde qui évolue et qui réclame sa juste part de participation.
Les gens sont fidèles aux divers rendez-vous proposés. Avec eux et par eux, le Parvis se sent porteur d’une vision : nous rêvons d’une Église rajeunie, interpellante, mais pleine de tendresse, de sollicitude et de compassion. Considérant que toute personne baptisée est responsable de la mission de l’Église, ils nous invitent à les accompagner sur le chemin de la liberté et de l’Évangile, et à élaborer avec eux des stratégies propres à donner un rôle prioritaire à ceux et celles qui, à la base, subissent les décisions à propos desquelles ils ne sont pas consultés, dans lesquelles ils ne sont pas impliqués et avec lesquelles ils ne se sentent pas à l’aise.
Mais le Parvis est aussi porteur d’une culture renouvelée : celle qui est en train d’émerger ici, en France, en Autriche, au Brésil, en Allemagne... et qui s’épanouit progressivement avec l’intelligence d’hommes et de femmes évangéliquement cultivés, disposés à ouvrir de nouveaux horizons pour une Église du XXIe siècle.