Découvrir le Montréal communautaire
Ce samedi 13 avril, un autobus scolaire rempli d’une quarantaine de citoyens, jeunes et âgés, serpente difficilement dans les petites rues des quartiers ouvriers du Centre-Sud de Montréal que sont Saint-Henri, Petite-Bourgogne, Pointe-Saint-Charles et Griffintown, « sur les traces des artisanes et artisans de la solidarité », comme l’indique le feuillet d’accompagnement de l’organisme L’Autre Montréal.
Ce samedi 13 avril, un autobus scolaire rempli d’une quarantaine de citoyens, jeunes et âgés, serpente difficilement dans les petites rues des quartiers ouvriers du Centre-Sud de Montréal que sont Saint-Henri, Petite-Bourgogne, Pointe-Saint-Charles et Griffintown, « sur les traces des artisanes et artisans de la solidarité », comme l’indique le feuillet d’accompagnement de l’organisme L’Autre Montréal. Cet organisme, en collaboration avec le Centre justice et foi (SDF no 114) a tracé un parcours pour une visite guidée qui nous fait remonter le temps jusqu’au début de la colonie alors que Montréal s’appelait Ville-Marie.
Les citoyens de ces quartiers ont mis en place des services sous forme de coopératives afin de rendre accessible à tous leurs concitoyens et concitoyennes nourriture et logement, services de santé, d’alphabétisation, de conseils juridiques, de loisirs. On y trouve plusieurs premières québécoises dont la clinique de santé communautaire et la clinique juridique populaire Pointe-Saint-Charles en 19681, la clinique des citoyens Saint-Jacques (1968) et les premières coopératives de logement vers 1975. Un esprit communautaire de partage et de justice sociale venu de loin les anime. Notre guide, Leah Blythe, nous rappelle que les Champlain (un huguenot), Jeanne-Mance (une catholique) et compagnie portaient un projet de « nouvelle société » beaucoup plus fraternelle et égalitaire que les sociétés européennes d’où ils venaient. Une utopie mystique enracinée directement dans l’Évangile qu’ils voulaient vivre en partenariat avec les peuples autochtones. L’utopie mobilisatrice des fondateurs de Montréal est toujours active dans le cœur et les initiatives des citoyens d’aujourd’hui.
En chemin, on entend et voit des traces d’une présence chrétienne : ancienne salle d’asile des Sœurs grises (1885-1928); la Maison du partage d’Youville, Église Union United (1899) qui a accueilli à Montréal les travailleurs noirs des chemins de fer installés à Griffintown; ancien hôpital général des Sœurs grises (1747 et 1695 par les frères Charron); Mission Old Brewery qui accueille les hommes itinérants – pavillon Patricia-Mackenzie pour les femmes; ancien hospice Émilie-Gamelin (1894), fondatrice des Sœurs de la Providence. Puis, des noms plus récents sont mentionnés : la maison où a vécu Jacques Couture, jésuite, prêtre-ouvrier, qui fut ministre de l’Immigration; l’ancien édifice de la JOC et de la CSN (ancienne centrale syndicale, catholique jusqu’en 1960). À l’est du boulevard Saint-Laurent, au cœur du Quartier latin, nous croisons les Habitations Jeanne-Mance (Plan Dozois, 1959), un complexe de logements sociaux de 28 immeubles dont 5 tours, où vivent aujourd’hui 1 700 personnes originaires de 70 pays. Ce projet voulait raser le quartier de la prostitution, le red light du centre-ville. Discrètement, une « ange gardien », Berthe Marcotte, petite sœur de l’Assomption, y demeure et veille sur le bien-être de ses occupants seuls et âgés et le respect de leurs droits depuis plus de 40 ans.
En fin de parcours, nous arrivons au Centre Saint-Pierre (CSP) devant la Maison de Radio-Canada. Raymond Levac, directeur, nous accueille et nous présente ce centre d’éducation populaire qui offre des services de formation, d’accompagnement et d’intervention communautaire, prioritairement aux individus et aux groupes des milieux défavorisés et à ceux qui interviennent auprès d’eux. Ici encore, une communauté religieuse, celle des Oblats de Marie Immaculée (o.m.i.), est à l’origine de sa fondation en 1973. Quelque 150 000 personnes y passent chaque année. Le CSP est à l’origine de l’organisme autonome Le Sac à dos (2003) qui a pignon sur rue au sous-sol de l’église unie Saint-Jean sur la rue Sainte-Catherine et qui offre divers services aux personnes itinérantes, dont un casier et une boîte postale. Adjacente au CSP, on trouve l’église catholique Saint-Pierre-Apôtre, animée depuis 1852 par les mêmes oblats, très solidaires des marginalisés du Centre-Sud de Montréal et de la communauté gaie locale et régionale.
Enfin, toujours au CSP, nous entendons le témoignage d’engagement pour la justice sociale d’une militante catholique, Jeannelle Bouffard, originaire du quartier, qui partage avec nous les diverses étapes de son parcours depuis sa participation aux mouvements paroissiaux de jeunes, en passant par la responsabilité d’une paroisse, jusqu’à la fondation du CAP Saint-Barnabé (1990) dans le quartier voisin d’Hochelaga-Maisonneuve (SDF, vol. 3, no 5). Seulement dans ces quelques quartiers du centre-ville de Montréal, la liste des communautés religieuses et des Églises chrétiennes impliquées en solidarité avec les exclus de la société (p. ex. : L’Accueil Bonneau et la Maison du Père) est longue. Comme quoi le « rêve évangélique » à l’origine de Ville-Marie est toujours vivant et se donne des mains encore aujourd’hui.