Des vœux de Noël empreints de « biophilie »
Il y a parfois de quoi désespérer : les menaces de la grippe A (H1N1) pèsent toujours; le réchauffement climatique se fait plus important que prévu; la guerre sévit dans plusieurs régions du monde; de plus en plus de murs de béton sont érigés sur les frontières pour séparer les peuples; un ado est poignardé dans un autobus par un autre, etc.
Il y a parfois de quoi désespérer : les menaces de la grippe A (H1N1) pèsent toujours; le réchauffement climatique se fait plus important que prévu; la guerre sévit dans plusieurs régions du monde; de plus en plus de murs de béton sont érigés sur les frontières pour séparer les peuples; un ado est poignardé dans un autobus par un autre, etc. Sur son lit de mort, Érich Fromm posait cette question à son ami : « Comment se fait-il que l’espèce humaine préfère la nécrophilie à la biophilie? » Pourquoi préférons-nous l’amour de la mort à l’amour de la vie? Les médias, reflet de notre société, se font souvent les chantres d’une certaine « nécrophilie », d’un regard pessimiste : le monde va mal... Et ces infos dont on nous bombarde en viennent souvent à teinter notre vision du monde. Mais où sont les adeptes de la « biophilie »? Il ne s’agit pas de jouer à l’autruche ni de nier les problèmes criants de l’humanité. Ce serait faire preuve d’angélisme. Mais, en tant que chrétiennes et chrétiens, experts de l’espérance que nous sommes, ne doit-on pas aiguiser notre regard à la déceler? Chaque année, pendant les fêtes, j’aime revoir le film Joyeux Noël de Christian Carion, juste pour me rappeler comment l’humain peut en arriver à déjouer la fatalité de la haine : en 1914, en plein cœur de la guerre, des soldats ennemis osent faire une trêve et fraterniser la nuit de Noël...
Parmi ces raisons d’espérer, j’en décèle quelques-unes : samedi dernier, plus de 300 groupes dans le monde ont posé une action pour pousser leur gouvernement à prendre des mesures plus audacieuses pour contrer le réchauffement climatique; des discussions capitales sont en cours à ce propos au Sommet de l’ONU, à Copenhague; le président Obama continue de proposer du neuf et ose demander aux banquiers de faire leur part pour contrer la crise économique et stimuler l’emploi; Greenpeace réussit un coup d’éclat sur le toit du parlement... Et que dire de toutes ces menues actions que nous entreprenons à notre mesure pour changer le monde peu à peu. Autant de gestes, parfois dérangeants, qui questionnent la pensée unique et interpellent. Ils pèsent dans la balance! Ils ont force de Parole de Dieu : une parole agissante dès à présent, poursuivant l’œuvre de la création. Aussi, faut-il s’exercer à la lire, à écouter Dieu aujourd’hui. Ne pas se mettre uniquement à l’écoute d’une parole souvent figée, écrite depuis des millénaires, mais d’une Parole toujours en mouvement, qui s’incarne et prend vie dans le monde actuel.
Une certaine théologie de la parole de Dieu tue la Parole de Dieu... Au risque d’ébranler les points de vue, je reprends ici la vision de Carlos Mesters. Pour lui, la Parole de Dieu est le résultat d’un triangle dynamique. Elle surgit d’une relecture de la réalité en communauté à la lumière de la Bible et se situe dans l’interaction entre ces pôles : « Aucune force n’est isolée, les trois s’articulent dans une tension féconde en vue de l’objectif commun : écouter Dieu aujourd’hui. Sans prise en compte de la réalité du peuple (pré-texte) et sans foi (con-texte), le texte biblique devient lettre morte1. » Aussi, par conséquent, « le fondamentaliste est un danger. Il sépare le texte du reste de la vie et de l’histoire du peuple et l’absolutise comme la manifestation unique de la Parole de Dieu. La vie, [la nature], l’histoire du peuple, la communauté, n’auraient plus rien à dire sur Dieu et sa volonté. Le fondamentalisme annule l’action de la Parole de Dieu dans la vie. C’est l’absence totale de conscience critique. Il détourne le sens de la Bible et favorise le moralisme, l’individualisme et le spiritualisme dans l’interprétation. C’est une vision aliénée qui plaît aux oppresseurs du peuple, car elle empêche les opprimés de prendre conscience de l’iniquité du système mis en place et maintenu par les puissants2. »
À la lumière de ces propos, et à la veille de Noël, nous souhaitons donc vous transmettre des vœux empreints de « biophilie » et d’une Parole vive qui redit notre espérance : que surviennent... la paix entre les nations; l’intégrité et le respect de la dignité des enfants, des femmes, des hommes, des animaux et de la nature; la qualité de vie des malades, des sans-abri, des « sans-famille », des sans-emploi, des sans-papiers, des sans-patrie; des gouvernements justes et humains préoccupés du bien commun, de vaincre la corruption et la violence endémique; de jeunes soldats revenus de la guerre et qui n’en ont plus rien à faire; des banques alimentaires vides parce que rendues inutiles, etc.
Mais devant ce monde encore à faire, c’est alors que nous avons besoin d’espérance, de foi et d’amour, principes actifs qui s’épanouissent en justice sociale, en coopération et en amour de soi et des autres. C’est dans ce monde, notre monde d’aujourd’hui, que s’est incarné un enfant tout fragile, humble et dépendant, mais porteur de vie abondante, d’espoir et de libération... d’abord ici-bas. Dieu lui-même vient nous redonner espoir! Mais il ne peut porter la vie seul : il veut le faire avec nous. Fêtons un Noël qui nous propulse avec lui à la suite de l’étoile de la justice, de la paix, de la vie. Contribuons à raviver, à embellir, à ressusciter, à mettre debout et à rendre solidaire notre monde nécrosé, étouffé, écrasé, divisé, désabusé. Plusieurs amoureux et amoureuses de la vie mettent déjà les mains à la pâte. Quelle joie en nous alors de nous joindre à eux... l’espoir planté dans le cœur! Un Noël plein de manifestations de vie à tous et toutes!