Passage remarqué du théologien américain Matthew Fox
Selon les propos de Marie-Andrée Michaud, une des organisatrices de l’événement, c’est avec grand plaisir que le prêtre et théologien américain Matthew Fox venait pour une seconde fois prononcer une conférence pour le public francophone du Québec.
Selon les propos de Marie-Andrée Michaud, une des organisatrices de l’événement, c’est avec grand plaisir que le prêtre et théologien américain Matthew Fox venait pour une seconde fois prononcer une conférence pour le public francophone du Québec. Son passage en mai 2004, devant un public plus restreint, l’avait profondément marqué. L’invitation à la conférence, qui avait lieu le 9 mai dernier au Relais Mont-Royal, à Montréal, était lancée par le tout nouveau Centre de spiritualité écologique Terre sacrée, qui aura bientôt pignon sur rue, et dont c’était l’événement de fondation. Une invitation qui a suscité un réel enthousiasme puisque plus de 200 personnes provenant d’un peu partout au Québec, y compris monsieur Thomas Mulcair, ex-ministre de l’environnement dont la présence était inattendue, ont assisté à la soirée.
Même s’il n’était pas habitué à s’exprimer en français, Matthew Fox a tenu à prendre parole dans la langue de ses hôtes. Cela n’a pas empêché ce théologien à la verve de feu, auteur de 27 livres, dont deux seulement traduits en français – La Grâce originelle et Le Christ cosmique – de tenir des propos interpellants : « Notre espèce est complètement aveugle vis-à-vis de la crise écologique actuelle. Nous continuons de prendre à la Terre avec avidité, mais comme Thomas Berry, le célèbre écothéologien américain, [presque inconnu ici] le souligne : qu’offrons-nous à la Terre en retour? » Aux dires de Fox, cette crise écologique est aussi spirituelle parce que nous avons perdu le sens de la communauté avec la Création, et ce, dans toutes nos relations. « Aujourd’hui, notre prière est individuelle, anthropocentrique. Nous devons retrouver ce sens de la communauté avec tous les êtres vivants et de l’interdépendance de toutes les créatures. Avec saint Augustin [354-430], qui a été influencé par Platon, nous avons séparés l’esprit de la matière, notre âme de notre corps, l’humain de la nature. Pourtant, plusieurs siècles plus tard, saint Thomas d’Aquin [1227- 1274] a affirmé que l’esprit et la matière n’étaient pas détachés, qu’ils allaient ensemble, que l’esprit est “l’élan dans toute chose”. »
La crise écologique et spirituelle que nous vivons est aussi, a ajouté Matthew Fox, une crise de la sexualité. « Il faut retrouver l’équilibre entre le féminin et le masculin, entre Dieu et Déesse, entre le yin et le yang. Il faut revenir à la sagesse des femmes, à la dimension féminine de Dieu. Et les hommes, eux, doivent retrouver un sens de la masculinité authentique et sain qui est autre que celui de la guerre, et plutôt développer leur conscience d’“hommes verts”, à l’image de ces visages d’hommes cerclés de verdure et sculptés sous les ogives des cathédrales du XIIe siècle. Ils doivent renouer avec leur rôle essentiel de protecteurs de la nature et de la Terre... »
Fox, tout prêtre qu’il est, n’hésite pas à revisiter notre héritage religieux pour lui redonner une vision contemporaine : « Le plus grand péché de notre société devant la crise actuelle est ce que Thomas d’Aquin appelait acedia en latin, qu’on peut traduire par cynisme ou apathie, ou par “le manque d’énergie pour commencer des choses nouvelles”; cette acedia s’exprime aujourd’hui par la dépression et la passivité. Nous sommes bloqués; nous limitons trop notre créativité. Nous devons retrouver notre dynamisme, le zèle, c’est-à-dire l’expérience profonde de la beauté des choses. Tomber en amour avec la Terre, les forêts, les rivières... »
En clair, Fox interpelle la société occidentale et le christianisme à une véritable réforme postmoderne et, comme humanité, à saisir cette occasion ultime de renaissance, en harmonie avec la Terre. « Nous avons un besoin urgent de célébrer cette créativité, de renouveler notre éducation, de transformer le rapport à notre propre corps. Le christianisme est devenu pathologique, névrotique. La seule question qui nous préoccupe est “suis-je sauvé?” Ce salut individuel n’existe pas dans la Bible. Pour les juifs, le salut est collectif. Nous devons plutôt apprendre à cultiver la Sagesse : Jésus était issu de cette tradition juive de la Sagesse, sensuelle, féministe, cosmique et écologique. Nous sommes appelés, a-t-il conclu, à une véritable “conversion”, du mot métanoïa en grec, qui signifie changement de direction. »