La bénédiction des animaux
Imaginez cette scène. Une grande église, toute proprette, où des dizaines de chiens fidèles sont assis sur les bancs, aux côtés de leur maître, et où un calme plutôt étonnant règne compte tenu des circonstances... Ce n’est pas un rêve! C’est ce que vous pouvez voir à l’église Saint-Roch, à Québec, lors de la bénédiction des chiens qui a lieu lors de la fête annuelle de Saint-Roch, en août, depuis bientôt 12 ans.
Imaginez cette scène. Une grande église, toute proprette, où des dizaines de chiens fidèles sont assis sur les bancs, aux côtés de leur maître, et où un calme plutôt étonnant règne compte tenu des circonstances... Ce n’est pas un rêve! C’est ce que vous pouvez voir à l’église Saint-Roch, à Québec, lors de la bénédiction des chiens qui a lieu lors de la fête annuelle de Saint-Roch, en août, depuis bientôt 12 ans. Événement unique au Québec, cette bénédiction fait partie des nombreuses activités du festival canin qui a lieu dans le cadre de la fête.
Selon Mme Nathalie Loubert, directrice adjointe de la Fondation Saint-Roch de Québec, organisme à l’initiative de cette fête annuelle, « le chien fait souvent le lien entre les marginaux, les démunis et les mieux nantis; il est pour tous le compagnon qui leur apporte tendresse, et parfois soulagement des souffrances. Lors de la fête de Saint-Roch, cet amour des chiens crée les liens entre tous. De plus, pour les sans-abri ou les marginaux, le chien qui les accompagne est souvent leur seul lien avec la société. C’est le chien qui les garde en vie, par la relation signifiante qu’ils entretiennent avec lui. C’est le seul être sur lequel ils peuvent compter. Ceci est particulièrement vrai dans notre quartier. Et c’est ce lien important que nous voulons célébrer. »
Et pourquoi y bénit-on seulement les chiens? C’est en l’honneur du saint patron de la paroisse. « L’histoire veut que le patron de la paroisse, saint Roch, atteint de la peste, se soit retiré dans la forêt. C’est un chien qui lui apportait chaque jour sa pitance, en dérobant un pain de la table de son maître. Intrigué, celui-ci le suivit pour découvrir le saint homme affaibli et malade et il lui offrit son secours. Depuis, on ne saurait représenter saint Roch sans son chien.1 »
Dans le même esprit, le 16 mai dernier, sur le parvis de la cathédrale Saint-Joseph, à Gatineau, avait lieu une messe extérieure, précédée d’une bénédiction des animaux, organisée par la Chorale Gospel Outaouais en collaboration avec la SPCA de la région2. L’invitation aux familles spécifiait : « Venez en grand nombre faire bénir vos petites boules de poils qui vous donnent tant de tendresse! » Maîtres, chiens et chats, et autres animaux de compagnie, étaient donc au rendez-vous!
L’abbé Jean Sans-Cartier, fondateur de la Chorale Gospel, qui a présidé la célébration eucharistique et offert la bénédiction des animaux, rapporte : « Pour cette première, il n’y avait pas foule. Mais à entendre les réactions des gens, ce fut un succès! Ce ne sera donc pas la dernière... Plusieurs organismes nous ont promis de revenir! Pour moi qui ai travaillé dans un hôpital, je sais ce que la zoothérapie peut faire. Je vois aussi que, pour mes voisins, c’est le seul compagnon qu’ils ont! C’est une présence extraordinaire, une présence de tendresse qui, si on l’enlevait, aurait des répercussions épouvantables. Comme prêtre, je dois en tenir compte... »
Le 1er juin 2008, à la paroisse Sainte-Anne-de-Bellevue, à Montréal, l’abbé Jean-Ronald Mallette invitait aussi ses paroissiens et paroissiennes à une bénédiction des animaux lors de la célébration dominicale de 10 h. « Les animaux partagent nos vies et nous rendent de grands services », a alors affirmé une paroissienne présente3. Aujourd’hui, alors qu’il est aumônier au Centre de détention Rivières-des-prairies, il peut constater les effets positifs de la zoothérapie auprès des détenus. S’il en avait eu l’occasion, il aurait certainement, à ses dires, perpétuer cette tradition en paroisse. « Dans la société actuelle, il y a beaucoup de personnes seules. On peut voir que les animaux sont importants pour elles. Ils sont une présence. Et je peux le constater, les animaux font du bien aux personnes incarcérées, et même aux gardiens, quand ils les touchent. Ça les fait socialiser, leur fait oublier qu’ils sont en-dedans. Les animaux ont un rôle important dans la création en lien avec les humains. L’animal n’est évidemment pas une personne humaine, mais il est une créature de Dieu, et on doit lui porter respect. Le texte de la bénédiction des animaux rappelle aux gens que le Créateur répand ses bienfaits sur tout ce qui vit. Ainsi, l’Église dit qu’elle reconnaît que cet animal a une importance aux yeux de Dieu. Et qu’il est véritablement un compagnon pour les personnes humaines. D’ailleurs, les animaux nous apportent beaucoup en échange! » Jean Sans-Cartier va aussi en ce sens : « On nous a longtemps dit que les animaux étaient au service de l’humain. On ne parlait alors pas de leur protection. Il faut revoir notre discours et se rappeler que le Seigneur nous confie la création pour qu’on la protège, et les animaux pour qu’on développe des relations saines avec eux. On doit relire certains textes bibliques. Et on n’a pas fini de redécouvrir ce que la Bible nous dit en ce sens. Avec cette couleur-là, les textes deviennent une autre parole, une parole qui se renouvelle. Le Dieu créateur de sens, de couleur, de joie dans ma vie, il continue à créer du sens. Et tenir compte des animaux, c’est considérer la création dans son entièreté. Combien de textes du Nouveau Testament associent la résurrection à toute la création? S’ouvrir à l’écologie, à tous les êtres vivants, nous ouvre à une spiritualité nouvelle. » Quand je pose la question du lien entre la foi chrétienne et l’amour des animaux à Mme Loubert, de la fondation Saint-Roch, elle s’anime : « Pour moi, les chiens [et les animaux] sont une présence de Dieu auprès de l’humain qui souffre. Dieu est présent dans toute sa création, et il va ainsi vers ceux et celles qui ont besoin de lui. Il faut voir plus loin, sortir de nos cadres rigides, souvent imposés par l’homme, et en tout temps célébrer la vie, le plaisir, la beauté de la création, et rendre grâce, spécialement, pour ces gestes d’amour qui se posent avec les animaux. » Dans un de ces livres, un théologien connu a déjà confié que son chien était pour lui un vrai maître spirituel, d’une grande sagesse. À l’observer, il avait appris bien des choses... N’existe-t-il pas d’ailleurs un chien saint et martyr du nom de Guinefort4? Au Moyen-Âge, le culte de ce saint animal, issu du peuple, a persisté jusqu’au XXe siècle malgré les interdictions répétées de l’Église. Plusieurs cultes similaires ont existé, d’ailleurs. Mais il s’agit là, à n’en point douter, de folles légendes...« La bénédiction des chiens est un moment privilégié de voir se rassembler sous une passion commune et contagieuse tant les propriétaires de chiens que les amateurs de l’insolite. Les barrières tombent. Les personnes animées par l’amour des animaux se rejoignent, entament des conversations sur leurs compagnons, échangent des conseils, se sentent en confiance et accueillies. [...] Le chien sert de trame de fond pour maintenir un lien social. Ceci est particulièrement vrai pour le quartier Saint-Roch : pour les personnes seules, les aînés, les exclus, les démunis, les jeunes de la rue. Le chien reste souvent pour eux l’unique connexion agréable avec le monde extérieur. »
Extrait du site de la Fondation Saint-Roch
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Inutile de rappeler que la Bible contient quantité de références aux animaux. Mais on n’y parle peu de la relation qu’on peut entretenir avec eux. Aussi, que dire de cette citation de l’Ecclésiaste qui évoque la prétention de l’humain et l’invite à l’humilité? « En ce qui concerne les humains, je pense que Dieu les met à l’épreuve pour leur montrer qu’ils ne valent pas mieux que les bêtes. En effet, le sort final de l’homme est le même que celui de la bête. Un souffle de vie identique anime hommes et bêtes, et les uns comme les autres doivent mourir. L’être humain ne possède aucune supériorité sur la bête puisque finalement tout est néant. Toute vie se termine de la même façon, tout être retourne à la terre à partir de laquelle il a été formé. Personne ne peut affirmer que le souffle de vie propre aux humains s’élève vers le haut tandis que celui des bêtes doit disparaître dans la terre. » (Qo 3, 18-21)