La technique Vittoz : apprendre à vivre et à penser
Au moment où vous lisez ces lignes, votre esprit est-il distrait? Vogue-t-il sans arrêt parmi les nombreuses préoccupations qui vous assaillent? Ou alors êtes-vous totalement présent à ce que vous faites et bien connecté à votre respiration? Dans le premier cas, vous souffrez probablement d’une maladie bien répandue aujourd’hui : le vagabondage mental! Mais ne vous en faites pas, ce mal moderne atteint la majorité des gens de nos sociétés grouillantes d'activités.
Au moment où vous lisez ces lignes, votre esprit est-il distrait? Vogue-t-il sans arrêt parmi les nombreuses préoccupations qui vous assaillent? Ou alors êtes-vous totalement présent à ce que vous faites et bien connecté à votre respiration? Dans le premier cas, vous souffrez probablement d’une maladie bien répandue aujourd’hui : le vagabondage mental! Mais ne vous en faites pas, ce mal moderne atteint la majorité des gens de nos sociétés grouillantes d'activités...
Pour remédier à ce problème, sœur Blanche Dionne1 est la femme qu’il vous faut! Cette femme dynamique, solide sur pieds, bien ancrée dans le réel, l’esprit des plus alertes pour ses 85 ans bien sonnés, se dévoue depuis 30 ans à la transmission de la technique Vittoz, une méthode simple, naturelle, de « rééducation du contrôle cérébral » développée par un médecin lausannais, le Dr Roger Vittoz (1863-1925) à la suite de ses observations du fonctionnement du cerveau. Une technique qui mériterait d’être mieux connue, compte tenu du stress et de l’anxiété qui accaparent de plus en plus nos esprits agités. « Le cerveau a besoin de sa nourriture, affirme Sr Dionne, et la nourriture du cerveau, c’est la sensation. C’est la sensation qui doit toujours être première au cerveau et qui équilibre la pensée. L’hémisphère droit reçoit les sensations, l’hémisphère gauche émet des pensées. Le Vittoz, c’est la rééducation du contrôle cérébral par la réceptivité de la sensation. »
Sœur Dionne était à une session de formation pour les animateurs du PRH2, au début des années 1970, quand elle a découvert cette technique. M. André Rochais, l’animateur, a alors proposé au groupe de faire un exercice Vittoz. « Il a dit : "Vous allez aller dans la nature puis essayer autant que possible de rendre tous vos sens réceptifs. Nourrissez votre cerveau de sensations, ne laissez pas votre pensée tourner en rond. Ne pensez pas à la beauté de la fleur, mais voyez-la simplement. Votre œil reçoit, le cerveau accueille la sensation." » Sr Dionne s’en rappelle comme si c’était hier : « J’ai vraiment obéi à ce qu’il nous a dit de faire et l’ai fait avec goût. Après, quand je suis rentrée, mes idées étaient claires, je me sentais tellement bien. J’ai saisi qu’il y avait quelque chose là. Après la session. j’ai continué à l’appliquer pour moi-même, en m’amusant. Je ne pensais pas une seconde à le transmettre. » Quelques années plus tard, par hasard, elle rencontrera le Dr Paul Chauchard3, un enseignant reconnu du Vittoz, qui la convaincra de le faire...
Ainsi, au début des années 1980, Sr Dionne clôt son dossier d’animatrice PRH et commence son vrai travail de pionnière en enseignant la technique Vittoz, inconnue alors au Québec. Elle offre des rencontres individuelles, mais se concentre surtout sur les rencontres de groupe, qu’elle donne plusieurs fois par semaine. Progressivement, les participantes et participants « réapprennent à bien vivre et à bien penser » en reprenant contact avec leur corps. « La première chose à faire est de les amener à prendre conscience de leur respiration. J’ai été souvent surprise de voir que la plupart des personnes n’ont pas une respiration ventrale, mais une respiration rapide et haute. Je les invite alors à observer leur respiration et à prendre conscience de ce qu’ils sont en train de vivre. Bien souvent alors, les questions se mettent à surgir! Ainsi, ils voient que l’hémisphère gauche tourne en rond sur lui-même. Le cerveau, en premier, doit recevoir la sensation. Bien sentir pour mieux penser. Alors, si la pensée s’agite, chose certaine, on ne comprendra pas grand-chose à la soirée qu’on va vivre. Ensuite, je les invite à se lever, à prendre conscience de leur état. Se sentent-ils bien campés sur leurs pieds ou est-ce encore leur tête qui s’emballe? Alors, tout doucement, je les amène à rétablir contact avec leur corps. Ensuite, à rendre leurs sens réceptifs. Prendre le temps de goûter, de sentir, de voir, d’entendre, de toucher. Si tu respires mal au départ, tu ne réussiras aucun des exercices. » Des exercices aussi simples que sentir la fraîcheur du verre d’eau dans sa main, les aspérités d’une roche, l’odeur d’un fruit ou goûter un bonbon ou sentir ses fesses sur la chaise, etc.
Sr Dionne a d’ailleurs tout un assortiment d’outils pour faire faire les exercices : des balles dures et molles, des roches froides ou rugueuses, des objets colorés, de petits tableaux noirs et des craies. Des exercices qui mènent de plus en plus vers un état physique et mental sain et équilibré. Au fil des dix rencontres prévues, « on prend d’abord le temps de se concentrer, sans forcer, sur les sensations. Ensuite, on va plus loin, en se concentrant sur une pensée ou une idée à la fois. Ça peut être des chiffres, des graphiques. Ensuite, on s’amuse par des exercices concrets à éliminer ces images. On les écrit sur le tableau, ensuite on efface tout. Puis, on refait l’exercice mentalement. Concentration, puis élimination. Ce qui nous amène, avec la pratique, à sortir de sa tête des idées qui risquent de nous la faire perdre. (Rires) C’est important que le cerveau en soit capable; il y a des personnes qui brassent toujours la même idée...
» Ensuite, on pratique l’acte volontaire, en faisant des actes aussi simples que choisir de prendre un objet entre deux. L’important, c’est d’avoir une idée claire : qu’est-ce que je veux? Ensuite, d’être lucide : est-ce possible? Enfin, il importe de sentir vraiment son "je veux". Alors, quand une personne passe dans l’acte volontaire, son idée est claire, elle sait ce qu’elle veut, puis elle veut ce qu’elle fait. Elle ne marche pas de la même façon que quand elle fait une chose parce que tout le monde le fait. Il y a une énergie tout autre en elle, car la personne établit vraiment contact avec son centre vital. L’acte volontaire n’est pas fatigant! » Puis, on passe aux appels d’état : sentir le calme, la paix, l’amour, la vie circuler en soi... Bref, il y aurait long à dire encore. Mais comme Sr Dionne le mentionne souvent : « Vittoz, il vaut mieux le vivre que de tenter de le comprendre, pour en saisir tous les bienfaits pour la santé physique et mentale4. »
Le docteur Vittoz, en grand chrétien dévoué, a soigné avec sa technique des milliers de patients atteints des troubles d’anxiété les plus communs aux névroses les plus complexes. Sr Dionne, qui a initié pour sa part tout autant de personnes à cette approche au Québec, a entendu souvent cette affirmation dans la bouche de ses élèves : « Vittoz a sauvé ma vie. » Pour elle, la technique Vittoz est véritablement un instrument de liberté intérieure et de guérison. « La vie doit circuler librement en nous, du bout des orteils au cuir chevelu. Et il faut prendre le temps de la sentir. La liberté intérieure commence quand il n’y a pas de blocages dans la circulation des sensations en nous. Et cela rejaillit sur notre vie spirituelle. Si je ne sens pas mes sensations physiques, comment pourrais-je être capable d’accueillir les sensations plus ténues qui viennent de mon centre vital. On ne peut être en contact avec sa dimension spirituelle si on ne l’est pas d’abord avec son corps. Si tu te fais des idées de Dieu, tu es à côté de la réalité de Dieu. Vaut mieux sentir Dieu que d’avoir une idée de Dieu. » Le technique Vittoz, conclut-elle, c’est « réapprendre à vivre tel que la nature nous a bâtis ». Ce ne peut pas être plus simple.