Une spiritualité verte pour le XXIe siècle
À l’heure des énergies renouvelables, du développement durable, des voitures hybrides, des politiciens verts et des carottes bio, pourquoi pas une spiritualité écolo? La chose est sérieuse et n’a rien d’un verni marketing.
À l’heure des énergies renouvelables, du développement durable, des voitures hybrides, des politiciens verts et des carottes bio, pourquoi pas une spiritualité écolo? La chose est sérieuse et n’a rien d’un verni marketing. Dans le foisonnement d’organismes qui donnent vie au mouvement écologiste québécois, le Centre de spiritualité écologique Terre sacrée « enrichit le propos en proposant de découvrir le rapport sacré entre l’être humain et toute forme de vie », soutien Jean-Marie Berlinguette, cofondateur du centre. « Pour relever le défi des grands enjeux d’aujourd’hui, affirme-t-il, la relecture des grandes philosophies, dont celles des chrétiens et du peuple autochtone en particulier, sont inspirantes, tout comme les sciences contemporaines deviennent indispensables pour comprendre et éclairer nos actions. »
Genèse ou le récit d’une création
Le jeune centre qui a tout juste un an doit sa naissance à l’inspiration de Marie-Andrée Michaud. De retour au Québec après un séjour dans le milieu des communications à Toronto et, surtout, en ayant en poche un doctorat pratique (Doctor of Ministry) en spiritualité de la Création de la Wisdom University de Californie, elle « portait ce projet d’ouvrir un espace pour reposer la question de l’écologie spirituelle dans la perspective de Matthew Fox et d’autres auteurs », raconte Jean-Marie Berlinguette. Avec ses deux partenaires − Rachel Jetté et Jean-Marie Berlinguette −, elle se lance dans l’exigeante aventure de mettre sur pied ce lieu qui offre aujourd’hui une surprenante programmation composée d’ateliers, de cours, de conférences, de rituels et d’événements culturels qui s’adressent tant aux écolos en quête de sens qu’aux spirituels en quête de terre.
Spiritualité écologique
« À ce moment de l’histoire où il y a éclatement des repères habituels et traditionnels, la question de sens n’est pas moins présente, constate M. Berlinguette. La spiritualité peut être comprise alors comme une quête incessante de sens qui se manifeste dans le cadre des réalités et de l’histoire qui est en cours. » Du coup, c’est dire que la cause environnementale, préoccupation actuelle s’il en est une, devient un des lieux d’émergence des questions spirituelles, comme si le réchauffement de la planète dégelaient les questions de sens. « L’intelligence de la vie fait en sorte que les gens se posent la question : quel sens tout cela peut-il bien avoir? », observe M. Berlinguette.
Se positionnant comme « transconfessionnelle », c’est-à-dire sans appartenance mais sans indifférence aux traditions religieuses, la perspective du centre « n’est pas d’entrer en bataille et de revendiquer, mais de faire entrer dans un processus de valorisation du sacré ». On laisse donc les courses en bateaux à Greenpeace pour miser sur « la recherche du beau, de l’équilibre, de l’harmonie; et cette expérience génère des attitudes de respect et d’émerveillement qui donnent sens aux actions de tous les jours ». Plus qu’un ressourcement qui viendrait nourrir la militance écologique, les tenants de la spiritualité de la Création cherchent à « encourager une compréhension renouvelée de la place de l’humain sur Terre », tel que le formule l’énoncé de mission du centre.
Défis d’avenir
Installé sur la rue Rivard depuis peu, le centre aménage petit à petit son espace d’intervention dans le paysage montréalais et québécois. En plus des aspects techniques et financiers, « aller chercher des gens qui ont le temps et l’énergie pour s’investir » dans la vie de l’organisme tout en « faisant connaître le sens et la perspective dans laquelle [le centre] se situe » sont au nombre des défis à relever. Animé bénévolement jusqu’ici, l’organisme mise sur l’autofinancement de certaines activités, les contributions de membres ainsi que sur l’appui de différentes institutions, notamment de congrégations religieuses qui reconnaissent déjà la pertinence de sa mission.
Comme pour tous ceux qui rejettent la schizophrénie en liant spiritualité et action, la même barbante question fait surface : pourquoi s’engager dans une démarche spirituelle alors qu’il y a tant de bacs de recyclage à emplir, de circulation automobile à restreindre, de marais humides à protéger? « C’est une recherche de congruence pour moi-même, répond M. Berlinguette. Faire des choix, avoir des actions très concrètes dans la vie par rapport aux valeurs que moi je priorise, c’était aussi de m’engager dans un de ces organismes, et celui-là est tout à fait dans le sens de ce que je porte comme quêteur de sens. » Encore une fois, vif rappel que l’essentiel ne se réduit pas au nécessaire, qu’avant le geste vient le souffle de l’intention.
Enfin, cette citation de Wangari Maathai, militante écologiste kényenne, prix Nobel de la Paix 2004, qui apparaît en exergue sur le site du centre, pourrait en exprimer tout l’élan, et la teneur de la tâche qu’il y a à accomplir : « Nous sommes appelés à aider la Terre à guérir de ses blessures et à guérir les nôtres en même temps, à embrasser toute la Création dans sa diversité, sa beauté et ses merveilles... Dans le courant de l’histoire, arrive un moment où l’humanité est appelée à passer à un nouveau niveau de conscience et à atteindre un niveau moral plus élevé. Un moment où nous devons nous libérer de la peur et nous donner espoir les uns aux autres. Ce moment est arrivé. »