Hommages à une militante
« Un croyant n’est pas un informé mais un rencontré.
« Un croyant n’est pas un informé mais un rencontré. Quelqu’un que l’évènement, l’expérience interrogent et qui se place face à eux », telle est la définition proposée par Hélène Chénier, et dont sa courageuse vie est l’incarnation. Décédée le 16 mars dernier, elle fit carrière en éducation et milita dans le mouvement syndical. À la fin des années 1960, elle fut vice-présidente de la célèbre Commission sur les laïcs et l’Église présidée par Fernand Dumont. Elle lutta pour l’évolution de la condition des femmes en Église, notamment par son implication dans le Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec et dans le Réseau œcuménique des femmes. Au milieu des années 1990, elle s’investit avec ardeur dans le synode de Montréal et sera parmi de ceux et celles qui donneront naissance et animeront le Réseau Culture et Foi.
Dans un article hommage publié dans Le Devoir, le rédacteur en chef adjoint de Relations, Marco Veilleux, soutient que « cette femme d’action et de convictions aura marqué la société et l’Église du Québec ». Il souligne que c’est « au nom de sa foi profondément marquée par l’esprit du Concile » qu’elle travaillera à l’inculturation de la foi, « un enjeu qui lui est particulièrement cher ». Il rapporte ainsi ses paroles : « Nous avons le devoir et le droit de prendre la parole pour annoncer, définir et célébrer la foi au cœur de notre époque. Cette tâche n’est aucunement réservée à la seule hiérarchie. » Elle se montrera d’ailleurs inquiète au lendemain de l’élection de Benoît XVI, alors qu’elle écrit dans le quotidien Le Soleil que « l’Église-participation, fondée sur les charismes prodigués aux croyants par l’Esprit, soucieuse de vitalité théologique et d’ouverture au monde, avide de diversité culturelle et spirituelle, cette Église souple, respectueuse et représentative des peuples, des différentes cultures et des Églises locales cédera le pas, à moins que l’Esprit transforme miraculeusement Benoît XVI, à une Église-forteresse protégeant son pouvoir et défendant l’intégrité de la doctrine catholique avec un entêtement et une rigueur contraires à l’Évangile ». En entrevue au Devoir durant la même période, elle insistait sur le risque de voir l’Église désertée par ceux qui travaillent à son évolution.
Dans un communiqué, Mgr Gilles Cazabon, président de l’AECQ, salue la « conviction, [la] détermination, [la] liberté intérieure » d’Hélène Chénier, « cette femme [qui] n’a jamais hésité à dire sa pensée profonde, à remettre en question des idées et des comportements qui n’étaient pas compatibles avec l’Évangile ».
Une centaine de personnes s’étaient rassemblées, en novembre dernier, pour la fêter en revisitant les temps forts de son remarquable parcours. À cette occasion, Claude Giasson du Réseau Culture et Foi a rappelé trois de ses préoccupations constantes qui, bien qu’elles concernent au premier chef l’avenir du Réseau, ne sont pas moins de vives interpellations pour le catholicisme « de gauche » : « une relève jeune », « une parole forte dans les médias », et éviter « que chaque groupe progressiste s’isole. Au contraire, ils doivent se relier les uns aux autres, travailler en partenariat ».
Dans un dernier texte publié par la revue Relations en février dernier sous le titre « Cette plénitude espérée », Hélène Chénier évoque la vie qui l’attend : « Mon existence fut une gratuité. L’être humain, tout comme la Création, ne sont pas de l’ordre de la "nécessité". Ils sont le fruit d’un éclatement, d’une explosion, d’un épanouissement gracieux. Mon existence n’a pas été demandée. Elle m’a été offerte et, je l’espère, la plénitude de ma vie me sera un jour donnée de la même façon : comme une bénédiction, un don... Cette prise de conscience, au soir de l’existence, à l’heure des dessaisissements et des besoins de nourriture et d’eau en pays souvent désertique, me réconforte pour le reste du chemin. »