La militance intra-ecclésiale : le combat d’une génération?
Ils sont engagés depuis de nombreuses années, tant en marge qu’à l’intérieur des structures officielles de l’institution catholique.
Ils sont engagés depuis de nombreuses années, tant en marge qu’à l’intérieur des structures officielles de l’institution catholique. Ils ont vécu Vatican II, ses rêves et ses déceptions. Ils ont embrassé de nouvelles théologies et développé des interventions pastorales novatrices. Pour tout cela, ils se sont battus et combattent encore, assumant pleinement et radicalement leur vocation de baptisés. Ils scrutent les signes des temps, écoutent la souffrance de leur peuple, s’indignent face aux injustices commises par une institution qui se dit elle-même porteuse d’une bonne nouvelle de libération. Comme des funambules constamment en équilibre sur le mince fil, ils traversent le fossé entre la culture moderne à laquelle ils participent et la culture religieuse dont ils sont héritiers. Et s’ils persistent, c’est parce qu’ils n’arrivent pas à vivre leur fidélité à la tradition autrement que dans l’actualisation et l’inculturation.
Un certain essoufflement de la garde?
Alors que le contexte ecclésial leur commande plus que jamais de redoubler d’ardeur, plusieurs d’entre eux sont essoufflés. Au nombre des facteurs de découragement, il y a certes les rêves brisés et les espoirs de changements annihilés. Mais, n’y a-t-il pas aussi – et surtout – de l’inquiétude quant à la continuité : lorsque cette génération de militants et de militantes se retourne, prête à passer le relais, force est de constater que bien peu de jeunes se lancent dans la course.
Privilégier les luttes de la cité
En fait, les attitudes et les rapports que les jeunes de ma génération entretiennent à l’égard de l’institution religieuse ne semblent pas conduire à une militance intra-ecclésiale « réformiste » du type de celle qui s’est développée depuis Vatican II au Québec et ailleurs. D’une part, pour les jeunes qui appartiennent à des courants plus charismatiques, spiritualistes et conservateurs, leur conception de la Révélation rend inutiles et malvenues les remises en question et les analyses critiques. D’autre part, pour les jeunes catholiques « de gauche », les luttes de la cité priment sur les combats à l’interne d’une institution en perte de crédibilité.
Des propositions de sens autres...
Ce désenchantement est en partie une conséquence de la sécularisation dont même les plus « cathos » de ma génération sont héritiers. L’introduction du pluralisme religieux fait en sorte que nous sommes en mesure de nous concevoir et de concevoir le monde en ayant recours à d’autres propositions de sens et à d’autres systèmes moraux que ceux de la tradition religieuse à laquelle nous appartenons (tout de même). Contrairement à nos parents et grands-parents, nous n’avons pas vécu ce rapport « maternel » (la sainte mère l’Église!) à l’institution. Du coup, notre attachement n’est pas en mesure d’engendrer un engagement acharné pour sa transformation.
Se passer de l’institution?
Bien que cette attitude soit légitime, n’y a-t-il pas une certaine méprise lorsque nous croyons pouvoir nous passer de l’institution, voire même souhaiter sa disparition? Est-il possible de vivre sa foi sans pratiques instituantes? Encore que l’on puisse la trouver inacceptable dans sa forme actuelle, est-ce que l’effondrement annoncé de l’Église catholique officielle sera une véritable libération? Sans voix dissidente et contestataire, comment se produira l’innovation nécessaire à la vitalité de la tradition chrétienne? N’y a-t-il pas risque de folklorisation, de n’être plus qu’un souvenir et non un « faire mémoire »?
Ma génération doit être attentive à l’héritage de cette « gauche catholique » tout autant que cette dernière doit, au creux de ses combats, se mettre à l’écoute des joies et des espoirs, des tristesses et des angoisses des jeunes de ce temps.