Il est né… le prophète
Un Noël de foi... musulmane, voilà l’autre regard sur Noël que je propose. J’y tenais par besoin d’entendre l’autre sur ce que je connais trop bien. J’y tenais aussi, car en cette période où les débats sur les questions religieuses et les accommodements ne sont pas toujours raisonnables et souvent mal engagés, je désirais aller à la rencontre de cet autre qui est mon voisin, mon concitoyen et mon frère, fils d’Abraham lui aussi.
Un Noël de foi... musulmane, voilà l’autre regard sur Noël que je propose. J’y tenais par besoin d’entendre l’autre sur ce que je connais trop bien. J’y tenais aussi, car en cette période où les débats sur les questions religieuses et les accommodements ne sont pas toujours raisonnables et souvent mal engagés, je désirais aller à la rencontre de cet autre qui est mon voisin, mon concitoyen et mon frère, fils d’Abraham lui aussi.
Magie de Noël
« Je dois dire que les musulmans en général ne sont pas indifférents à Noël », affirme d’emblée Touhami Rachid Raffa. Membre et ancien président du Centre culturel islamique de Québec, M. Raffa est depuis longtemps « un partisan et un artisan » du dialogue interreligieux. Tout en étant critique devant sa « marchandisation », M. Raffa soutien que la plupart des musulmans québécois « ne sont pas insensibles à l’aspect festif » de Noël, notamment à la « magie qui entoure les enfants. Les enfants des musulmans sont comme les autres, relève-t-il, ils tiennent à avoir leurs cadeaux, les friandises, etc. Le père Noël est, à ce titre, un personnage qui fait partie de l’imaginaire merveilleux de tous les enfants qui grandissent ici, quelle que soit la foi de leurs parents. »
Interpellation religieuse
Bien qu’il ne compte pas au nombre des fêtes prévues par leur calendrier religieux, Noël interpelle plusieurs fidèles de l’islam. Il s’agit pour eux d’une occasion de se remémorer le « miracle divin de la naissance virginale de Jésus ». De quoi laisser perplexe, alors qu’un certain nombre de catholiques sont plutôt hésitants et silencieux sur cet article du credo, notamment en raison de la vision de la femme et de la sexualité qu’il soutient. Pour mieux saisir, faut-il rappeler la place centrale des prophètes en islam. Avec Adam, Noé, Abraham, Moïse et de nombreux autres, Jésus est considéré comme l’un des personnages importants d’une longue lignée scellée avec Mahomet. La conception virginale est donc « un des plus grands signes que Dieu ait offert à ses créatures pour faire valoir la foi vraie à travers la justice et la fraternité qui doivent régner. Nous sommes conscients, tout comme les chrétiens, que Jésus est venu rectifier un message originel qui a été plus ou moins dévoyé; il est venu avec une mission de paix, de rassemblement, d’amour. » Ainsi, Marie a une place importante dans le Coran. « Seul nom de femme évoqué », un chapitre lui est consacré. « Pour nous musulmans, une personne qui ne croit pas en la vierge Marie et qui ne croit pas en son fils né de manière immaculée s’exclut d’office de la communauté des croyants », explique M. Raffa. Et si les musulmans ne fêtent pas Noël, c’est en raison d’une différence doctrinale capitale : « le Jésus de l’islam n’est pas fils de Dieu, et encore moins Dieu lui-même ».
Entraide et dialogue
« L’explosion d’entraide à l’occasion de Noël nous touche énormément », assure Rachid Raffa. Pour lui, les croyants ont un « devoir divin et un devoir de foi » de partager et de « faire festoyer » ceux qui sont négligés. Plus encore, les croyants et croyantes devraient selon lui s’impliquer davantage : « Nous, croyants de toutes origines, et particulièrement les gens du Livre, nous ne devons plus raser les murs et nous devons nous investir, sans prosélytisme, dans les débats sociaux et donner un éclairage moral à la politique. »
Le terrain de la solidarité, est-ce le lieu du dialogue interreligieux? « C’en est un parmi tant d’autres », répond-t-il. Privilégiant « la rencontre de l’autre au quotidien », il rappelle qu’au-delà des différences doctrinales « irréductibles », il y a tout « un champ de la foi qui est commun ». « Et en plus, il y a tous les défis qui concernent cette humanité sur les plans local, national et mondial : défis de l’éducation, défis de l’écologie, défis de l’injustice… » En fait, s’il y a des éléments irréductibles qui contingentent le dialogue, il y en a aussi, tout aussi irréductibles, qui le rendent possible : la lutte pour la dignité et la solidarité.