L’autre rentrée scolaire
Lorsque l’on évoque la rentrée scolaire, on songe à ces gamins anxieux qui, sac au dos, montent dans l’autobus jaune pour la première fois.
Lorsque l’on évoque la rentrée scolaire, on songe à ces gamins anxieux qui, sac au dos, montent dans l’autobus jaune pour la première fois. Or, il y a d’autres rentrées qui ne demandent pas moins de courage de la part des nouveaux étudiants et étudiantes. Alors que pour les habitués il signe, à regret, la fin de l’été, le début des classes marque pour d’autres un virage important, résultant d’une décision longuement mûrie. Une aventure dans laquelle se joue – en partie – le sens de leur vie, c’est-à-dire la signification de ce qui a été vécu jusqu’ici et la direction qu’ils choisissent de prendre.
Catherine Beaudry est de ceux et celles qui renouent avec les salles de cours après avoir été sur le marché du travail. Le 5 septembre dernier, ce n’est pas ses parents, mais ses enfants qu’elle laissait, le cœur serré, pour vivre sa première journée à l’Université Laval après un congé de maternité fort apprécié. Alors que l’on invite les jeunes à être persévérants dans leurs études s’ils veulent obtenir un emploi stimulant, elle a décidé d’y revenir pour comprendre ce qui était en train de la faire décrocher de son travail d’animatrice à la vie spirituelle et à l’engagement communautaire. « J’ai terminé un baccalauréat en théologie en 2000 avec le désir de poursuivre à la maîtrise un jour. Mais le temps n’était pas venu. J’ai travaillé, j’ai connu le terrain, j’ai vécu le passage de l’animation pastorale à l’animation à la vie spirituelle et à l’engagement communautaire et les questions ont bouillonné tout ce temps-là », raconte-t-elle.
L’arrivée dans une nouvelle région et la perspective d’un nouvel emploi ont favorisé l’émergence « de questions de fond sur [sa] pratique » qui expliquent ce « nouveau départ ». « Moi je me cherche là-dedans à tel point que j’ai perdu le goût d’y travailler, avoue-t-elle. Je suis venue creuser ça, voir quelles sont mes motivations à travailler dans ce milieu, qu’estce qui est à la base de ce service, est-ce que j’y ai ma place? » Et ces questionnements se structureront dans un parcours de maîtrise en sciences humaines des religions.
Une démarche intellectuelle et spirituelle
La moyenne d’âge de la population étudiante des facultés de théologie et de sciences des religions laisse croire que Catherine Beaudry n’est pas seule dans cette situation. De toute évidence, un projet qui comprend des études en ce domaine est rarement motivé par des ambitions carriéristes. Autant la démarche intellectuelle implique une prise de distance du sujet chercheur envers son objet de recherche, autant la décision de s’y lancer s’enracine dans des considérations spirituelles. « En fait, [mon travail] me renvoyait à ma vie spirituelle et là-dessus, j’ai juste un point d’interrogation. Je me sens en rupture dans ma démarche spirituelle et religieuse. J’ai une certaine inspiration, il y a un certain chemin qui se dessine, mais comme je ne suis pas capable d’endosser le fait d’être une professionnelle du spirituel en mesure d’encadrer, de promouvoir et de proposer, bien voilà pourquoi je me retrouve ici [à l’université]. »
Quel que soit le domaine de formation, il s’agit pour ces nombreux « recommençants » d’une démarche audacieuse. À la réussite académique se conjuguent des défis organisationnels incontournables. Comme le fait remarquer la jeune mère et étudiante, ce n’est pas une mince tâche que de se dégager un temps et un espace pour réfléchir et apprendre alors que « tu sais que ton lavage n’est pas fait, qu’il faut faire le souper, qu’il faut partir à telle heure, que les enfants sont peut-être enrhumés, qu’à la garderie ça ne s’est peut-être pas bien passé ». Du même souffle, elle reconnaît qu’une fois « les préoccupations techniques estompées et le choc des savoirs passé », cette expérience peut devenir un lieu d’épanouissement enrichissant autant pour la vie professionnelle, que pour la vie amoureuse, familiale… et spirituelle.