Réactions à la lettre du 1er mai de l’AEQ
« Nous sommes entrés dans un monde de libre marché qui inverse ou annule les avantages potentiels des échanges marchands, laissant libre cours à la seule brutalité économique et financière des plus forts.
« Nous sommes entrés dans un monde de libre marché qui inverse ou annule les avantages potentiels des échanges marchands, laissant libre cours à la seule brutalité économique et financière des plus forts. » Tel est le ton adopté dans lettre du 1er mai aux travailleuses et travailleurs rédigée sous la responsabilité du Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec. Sous le titre Le bien commun : vivre et agir ensemble, on y dénonce sans détour « l’appropriation privée du bien commun qui semble sans limite » provoquée par le modèle néolibéral et faisant en sorte que c’est « notre humanité même qui vacille! » On met en lumière la « soif de changement » qui doit lutter contre « l’emprise de la pensée unique néolibérale qui disqualifie à l’avance toute opposition ou toute proposition alternative ». On y rappelle que la « tradition du Jubilé biblique exige de mettre une limite à l’accaparement des terres, à la servitude [...] et à la surexploitation de la terre et des travailleurs ». Par sa lettre, le Comité invite au débat et aux initiatives de toutes sortes, soulignant qu’aucune ne sera « trop modeste pour cette quête d’un monde plus hospitalier ».
Pour la présidente de la Jeunesse ouvrière chrétienne nationale du Québec (JOC), Carole Lavoie, bien qu’elle « soulève des enjeux importants », la lettre des évêques aurait pu insister davantage sur la réalité et les défis que rencontrent les travailleurs, particulièrement les jeunes, confrontés au marché de l’emploi en mutation où l’instabilité entraîne l’appauvrissement. Perçu comme un encouragement, notamment parce qu’on y « reconnaît le travail des groupes [communautaires autonomes] », le document sera utilisé comme outil de réflexion permettant « de confronter l’analyse ». Le message est publié alors que se termine la Semaine internationale de la jeunesse travailleuse qui fut une occasion pour le mouvement de faire connaître les droits des travailleurs dans différents milieux. Considérant que « la nature même du travail est en train de changer », Dominique Boisvert du Réseau québécois pour la simplicité volontaire se réjouit du caractère global de l’analyse. Pour lui, « il est clair qu’ultimement cette lettre remet en question l’ensemble de nos façons d’être et de vivre, indépendamment de notre place dans le système de production, de notre niveau de revenus ou même de notre consommation ». Réagissant très positivement à son contenu, soulignant l’audace de certaines prises de positions qui « se situent du côté d’un changement de société radical », l’hésitation de M. Boisvert porte plutôt sur sa réception et sa circulation, tant dans la population, par le biais des médias, qu’à l’intérieur de l’Église. Cette lettre, dit-il, « se termine par de très bonnes questions. Il n’y a pas de réponses et ce n’est pas une si mauvaise chose que ça. Le problème dans l’Église, c’est qu’il y a trop peu de proximité entre certaines formes de leadership comme celle-ci et la réalité de l’Église de quartier […] Mais la vraie question est de savoir ce que nous, à la base, on fait de ça. » Tout aussi pertinent soit-il, ne faudrait-il pas repenser la forme que prend ce manifeste afin qu’il soit une invitation entendue?« Les puissants ont ainsi sacralisé le marché, projection de leurs intérêts […]. Comment faire des projets de société et agir en commun quand les pressions d'un tel système économique désarticulent les composantes sociales propres à chaque pays ou région? Comment le vivre ensemble est-il possible sous un modèle totalitaire légalisé […]? » Le bien commun : vivre et agir ensemble, lettre disponible au www.eveques.qc.ca