La nuit des temps
Née en pleine tourmente, la Nuit de la spiritualité fut un refuge pour ceux et celles qui manifestaient contre la mondialisation mise de l’avant par le Sommet des Amériques, tenu à Québec en 2001.
Née en pleine tourmente, la Nuit de la spiritualité fut un refuge pour ceux et celles qui manifestaient contre la mondialisation mise de l’avant par le Sommet des Amériques, tenu à Québec en 2001. Dans l’odeur des gaz lacrymogènes et les cris de protestations, les organisateurs désiraient « montrer que c’était possible, malgré nos différences, de s’asseoir et de vivre quelque chose ensemble », raconte Jonathan Lacasse, intervenant du Carrefour de pastorale en monde ouvrier (CAPMO), l’organisme instigateur et porteur de l’événement. Sept éditions plus tard, il est toujours question d’ouverture au monde et de ressourcement dans ce qui est devenu un rendez-vous annuel pour ceux qui ont la spiritualité curieuse et l’engagement inspiré.
Pas banal
Cette année, plus d’une douzaine de traditions religieuses et spirituelles – humanisme laïque compris – animeront différents temps de la nuit en « faisant vivre et en partageant leurs croyances et convictions » autour du thème choisi. Imaginez! Rien de moins banal que de se retrouver dans une église du Vieux-Québec et de vivre un rituel autochtone du coucher du soleil, de participer à un atelier de chants hindous, de recevoir un enseignement de l’islam chiite, de découvrir les chants sacrés des catholiques melkites, de se recueillir pour un temps de méditation bouddhiste. « Il y a quelque chose qui se vit là d’incroyable, dit avec enthousiasme Jonathan Lacasse, de voir des musulmans chiites et sunnites s’asseoir ensemble alors qu’ils se déchirent en Irak. C’est impressionnant! » Loin du dialogue interreligieux entre clercs et experts, il s’agit là d’une intention audacieuse de ceux et celles qui ont tout simplement eu le courage d’aller à la rencontre de l’autre. Résultat : d’année en année, les participants des différentes traditions reviennent, et d’autres s’ajoutent.
Confrontant et réconfortant
Des conflits armés aux accommodements raisonnables, les relations entre les religions et les spiritualités nous sont trop souvent présentées comme un problème. Or, ici, cette perspective est renversée : « Pendant 12 heures, il y a une trêve. Chacun de nous partage sa réalité. Dans la diversité, on vit quelque chose de commun. C’est l’occasion d’en apprendre sur les autres. » Et comme il en va pour toute véritable rencontre, on risque d’en ressortir à la fois ébranlé et solidifié. « Sur certains points, évidemment, ça nous confronte. Mais rencontrer d’autres traditions, comme la foi baha’ie, ou l’islam par exemple, permet de constater ce que l’on a en commun. Dans une société qui mise sur ce qui nous divise, une des clefs de cet évènement est de miser sur ce qui nous unit… et ça fait du bien! Il y a quelque chose de réconfortant… et aussi de confrontant. »
De la noirceur à la lumière
Que le tout soit vécu pendant la nuit est porteur et structurant symboliquement. « La nuit représente beaucoup dans plusieurs traditions spirituelles; il y a quelque chose dans le passage de la noirceur au jour qui dit l’espérance, soutien monsieur Lacasse, quelque chose d’une expérience hors du commun. Notre société postmoderne mise aussi sur l’importance de vivre les choses, de sortir des sentiers battus. Que l’on fasse cet événement la nuit entre dans cette mouvance et rejoint les gens. »
Retrouver son souffle
Le thème de cette année – une spiritualité pour un monde inspiré – s’inscrit à contre-courant de la morosité et du fatalisme. « Dans notre monde qui s’emballe, et dont le rythme nous essouffle plus qu’il aide à respirer, dans le bombardement par les médias d’images tragiques, tout est là pour qu’on se décourage. On n’a pas l’impression qu’on a des raisons d’espérer, de se sentir inspiré, de faire des actions créatrices », explique Jonathan Lacasse. « Or, poursuit-il, on croit qu’il existe des lieux pour reprendre son souffle. Les différentes traditions spirituelles offrent cette possibilité de vivre des expériences riches de sens et inspirantes... » Ils seront autour d’une centaine, venant de différents horizons, certains pour toute la nuit, d’autres simplement de passage, à vivre l’expérience de la Nuit de la spiritualité à l’église unie Saint-Pierre de la rue Sainte-Ursule, le 12 et 13 mai prochain, de 19 h à 7 h... et nous y sommes tous invités!