Grandir par l'intérieur
À Sainte-Blandine, tout près de Rimouski, il existe un petit village vraiment, mais vraiment pas comme les autres.
À Sainte-Blandine, tout près de Rimouski, il existe un petit village vraiment, mais vraiment pas comme les autres. Créé en septembre 1994, il a pour spécificité la recherche du bonheur et l’épanouissement de l’être profond des jeunes. Là, grands et petits choisissent de désencombrer leur cœur, et souvent leur âme, pour participer à des activités qui les font progresser au rythme de la nature et de l’ouverture de leur personne. L’histoire de ce lieu est celle de plus de 55 000 jeunes et de centaines d’adultes accompagnateurs qui sont passés par le Village des Sources de Rimouski depuis 22 ans. Tout commence un soir où une jeune fille appelle Jean-Guy Gendron, frère du Sacré-Cœur, et lui dit : « Te souviens-tu de moi Jean-Guy? Ça fait deux ans que j’ai fait un camp et que je me prends en main. Je veux te remercier parce que depuis ce camp, toute ma façon de vivre a changé. J’ai découvert qui je suis. J’avance pas à pas… Demain, je commence le cégep dans quelque chose que j’aime. Je veux te remercier parce que c’est ce camp qui m’a amenée là. »
Cette jeune a si profondément touché Jean-Guy que, ce soir-là, il a écrit durant la nuit tout ce qui lui passait par la tête. Sans le savoir, il venait de composer un des plus beaux chapitres de sa vie, celui de la naissance du Village des Sources. Quelqu’un suggère à Jean-Guy de faire lire ce texte à leur responsable. Celui-ci s’exécute, puis remet le texte à tous les frères en disant : « Si d’autres pensent comme lui, qu’ils se réunissent et en parlent ensemble. » Le projet d’un lieu pour les jeunes séduit plusieurs frères. Ainsi, quand on demande à Jean-Guy : « Es-tu prêt à laisser l’enseignement, à faire un saut dans le vide et à partir quelque chose de neuf pour répondre aux cris des jeunes? », il dit oui! « J’ai eu cette interpellation de faire pour les jeunes des choses que les écoles ne peuvent pas faire, affirme-t-il. Des jeunes m'ont dit : “Lorsqu’on est à l’école, on parle toujours de la pelure du fruit, mais ici on est toujours dans le noyau.” »
Évidemment, il fallait trouver un lieu, des sous, du matériel… Or quelqu’un parle à Jean-Guy d’un endroit qui pourrait convenir. Jean-Guy téléphone donc à la responsable du lieu, qui lui dit : « Si tu appelles aujourd’hui, c’est que tu sais ce que je suis en train de faire. » Jean-Guy répond : « Je ne te connais pas; on m’a seulement donné ton numéro de téléphone. » Elle lui explique alors : « Nous sommes en réunion avec des personnes du ministère des Ressources naturelles. Si tu as un projet et si tu es ici dans une heure, on t’écoute; après, il sera trop tard! » Et Jean-Guy de conclure : « Sur 20 ans d’inutilisation de ces lieux, j’arrivais à la dernière heure. Dans la foi que je porte, je me disais : “Ce n’est pas un hasard… C’est un rendez-vous.” »
Tu parles de foi… qu’en est-il pour toi et pour les jeunes?
« Je crois en Jésus, mais j’ai choisi ma vie en fonction du cri des enfants pour que des jeunes reprennent vie, souligne Jean-Guy. Ainsi, le jeune n’a pas toujours à savoir que je suis frère et que je crois en Jésus Christ. L’appel en moi est celui d’une présence aimante et respectueuse. Ce qui ne m’empêche pas de parler de la foi quand des jeunes viennent vivre une étape comme la confirmation. C’est par lui-même que le jeune doit découvrir Dieu. Nous agissons à l’exemple de Jésus : nous lui révélons d’abord la beauté de son être et de la vie qu’il a reçue. Ensuite, c’est aux signes des gestes de respect et d’amour qui sont posés que chacun, à son heure et avec ses mots, découvrira le visage de Dieu. On a un Dieu qui se cache partout, mais il faut avoir le regard et le cœur aux aguets pour le trouver. Les personnes ne nommeront pas nécessairement Dieu, mais elles diront : “J’ai découvert une paix, j’étais tellement bien en dedans de moi.” C’est ça, l’important. Ce n’est pas dans la façon dont je le nommerai, mais dans la joie que je répandrai que je serai signe de Dieu.» Puis, Jean-Guy cite Benoît XVI : « Tout chrétien doit savoir quand c’est le temps de proclamer le nom du Christ ou quand c’est le temps de se taire pour laisser parler l’amour. »
Vivre un camp
Les jeunes qui viennent pour vivre un camp arrivent de diverses localités. C’est stimulant pour eux. Ils aiment voir du « nouveau monde », se faire de nouveaux amis et garder contact par le biais des réseaux sociaux. Un camp peut accueillir jusqu’à 40 jeunes. « Ça en fait du monde à découvrir! » Pourtant, le plus important demeurera ce qu’ils vont toucher à l’intérieur d’eux-mêmes. Pour y arriver, tout est mis à contribution : la merveilleuse nature du lieu, les moments de réflexion, la détente, les jeux, la danse et les inattendus qui permettent des découvertes surprenantes. Les temps de silence sont particulièrement prisés des jeunes. Au début, ils hésitent et pensent que « ça va être plate! » « Puis, explique Jean-Guy, on les amène dans la plus grande des cathédrales : la nature… Une fois dehors, on s’installe dans un endroit qui nous attire particulièrement… Ensuite, lorsque les plus agités se taisent un à un et que seuls règnent le chant des oiseaux, le bruissement des vagues sur la rivière, le murmure des feuilles dans les arbres, c’est magique! » Tournés vers leur intérieur, ils feront des découvertes qu’ils coucheront sur papier. De là surgiront des prises de conscience étonnantes. « Même ceux qui sont en maternelle et en première année, reprend Jean-guy, disent : “On peut-tu continuer, c’est pas assez long!” C’est aussi par leurs mots qu’ont jailli des thèmes évocateurs : “L’écho-logique; Pas sages; J’me lève de bonheur; On nait plein de bonté; Tourner le faire dans la paix…” »
La soirée des étoiles
Les jeunes ont besoin d’être écoutés. La soirée des étoiles est un moment fort pour y arriver. Le soir, assis tous ensemble, on se parle, en deux étapes :
- La remise des étoiles : il s’agit d’exprimer à quelqu’un ce que nous avons découvert de beau et de bon chez lui.
- Les SOS, les pardons, les défis : les jeunes peuvent raconter quelque chose qui leur a fait mal de quelque manière que ce soit. Ils sont certains que les autres feront preuve d’empathie et d’une écoute respectueuse. Il est bien normal qu’il y ait eu des escarmouches. On assiste alors à des réconciliations, des excuses sincères, des pleurs de joie… Ce sont toujours des moments heureux.