Des prêtres comme des coachs d'équipe
Dans toutes les institutions, même l’Église, le travail d’équipe ne va pas de soi.
Dans toutes les institutions, même l’Église, le travail d’équipe ne va pas de soi. En 2002, Mgr Jean- Guy Couture promulguait la politique diocésaine pour un travail d’équipe, politique réaffirmée en 2007 par son successeur, Mgr André Rivest. En 2008, ce dernier présentait aux prêtres œuvrant en paroisse une nouvelle orientation du programme de formation en travail d’équipe et sollicitait leur adhésion. Le programme vise à ce que chaque équipe réfléchisse aux enjeux pastoraux fondamentaux, identifie une vision commune et un projet pastoral, établisse des priorités et un plan d’action en fonction des ressources disponibles et de l’Église qu’on souhaite voir advenir. La formation comprend divers ateliers comme « Leadership et communication ouverte », « Feedback de reconnaissance », « Feed-back d’amélioration », « Résolution de problèmes », « Gestion de conflits », « Communication interpersonnelle » et « Consolidation d’équipe ». M. Serge Simard1 explique : « Les ateliers visent la consolidation des compétences que le prêtre-leader possède déjà et le développement d’autres habiletés nécessaires pour exercer son rôle. Il est invité à retransmettre le contenu de ces formations à son équipe afin que tous exercent leur leadership avec plus de compétences. »
La plupart des milieux paroissiaux comptent un seul prêtre entouré de diacres ou de laïcs mandatés, chacun étant responsable (leader) d’un champ de responsabilités animé avec des équipes de bénévoles. La grille conçue pour le projet comprend six champs : modérateur, coordination de l’équipe, éducation de la foi, liturgie et vie communautaire, initiation chrétienne, solidarité sociale. Chacun est détaillé très précisément. La personne responsable d’un champ le porte particulièrement, mais il ne lui « appartient pas ». Chaque membre de l’équipe a son mot à dire quant à l’orientation d’un champ. « Le modérateur doit y croire, accepter et favoriser l’idée de faire équipe, sans quoi rien ne bougera », dit Mme Suzanne Dionne2. M. Simard complète : « Certains prêtres étaient de beaux parleurs du travail d’équipe et disaient : "Nous voulons faire équipe, c’est très important..." sans s’investir dans le processus, sans prendre conscience qu’ils sont le pivot de l’équipe. S’ils ne jouent pas leur rôle, l’équipe s’en va partout. L’idée est vraiment de former les modérateurs comme leaders pour qu’ils assument la prise en charge de la construction de leur équipe. »
Une particularité novatrice de cette formation est sans contredit la formule « coaching ». Mme Dionne résume : « En groupe, les prêtres participent à un atelier théorique suivi d’un atelier d’intégration. Ensuite, nous accompagnons chaque prêtre individuellement à partir des événements de son milieu. Nous le soutenons dans les capacités qu’il maîtrise et dans le développement de nouvelles manières de faire. » Mme France Fortin précise : « Dans les rencontres individuelles, nous abordons ce qui pose problème. Ensuite, nous reprenons ensemble les éléments de la formation et cherchons comment les intégrer dans leur travail. »
Mme Dionne poursuit : « L’un d’eux n’était pas intéressé, mais il s’est révélé l’un des plus motivés! » Et aussi : « Lors d’une formation, un prêtre était absent. À la suite de l’appel d’un confrère, il est arrivé rapidement, en disant : "Erreur d’agenda! Merci! Je ne voulais vraiment pas manquer l’atelier!" » Mme Fortin ajoute : « Ils se disent libres de parler, surpris de la profondeur de leurs partages. Un même groupe se retrouvant régulièrement permet un climat de confiance, de confidence, de parole authentique. » M. Serge Simard renchérit : « Unanimement, dès la fin de la première année, les confrères ont dit : "De tout ce que le diocèse propose de rencontres, de formations, de ressourcement, c’est de loin la plus importante, la plus utile! Ça répond au vrai!" »
L’idée, tout à fait originale, d’avoir deux femmes coachs est très bien reçue. Selon M. Simard, « l’accompagnement par des femmes est un atout. Il y a là une altérité non seulement homme-femme, mais aussi ministérielle. Un confrère risquerait d’être perçu comme "ayant une longueur d’avance" sur eux, alors que sa réalité est la même que la leur ». Certains envoient des courriels ou téléphonent pour éclaircir une situation. Par exemple, ils demandent : « Peut-on regarder quoi faire devant tel événement? Peux-tu m’aider à préparer une rencontre de feed-back d’amélioration? » Parfois, c’est plus personnel : « Continue, ramène-moi, je reviens vite dans mes vieux souliers », rappelle Suzanne.
Le projet a connu diverses phases avant d’arriver à sa forme actuelle. Comme cela constitue un changement majeur dans la manière d’exercer l’autorité, voire le pouvoir dans l’Église, il est trop tôt pour dégager les impacts réels de son implantation. À l’Institut de formation théologique et pastorale (IFTP), on estime qu’une dizaine d’années sont nécessaires pour évaluer adéquatement les résultats. Mais on estime aussi que l’enjeu en vaut l’investissement.