Spotlight
En 2001, un nouveau rédacteur en chef arrive au journal The Boston Globe.
En 2001, un nouveau rédacteur en chef arrive au journal The Boston Globe. En 2003, ce journal est récipiendaire du prix Pulitzer, un des plus prestigieux prix de journalisme au monde, pour avoir mis au jour un scandale camouflé par les autorités religieuses en place. En 2015, le film Spotlight sort au Québec. En 2016, il est mis en nomination pour six Oscars et reçoit ceux du meilleur film et du meilleur scénario original.
Réalisé par Tom McCarthy, Spotlight est un film poignant de réalisme racontant une histoire vraie, à l'origine d'un grand mouvement mondial. Il nous fait découvrir une enquête majeure qui s’est échelonnée sur douze mois de labeur acharné. Le Boston Globe a été à la genèse du mouvement de dénonciation des scandales de l'Église catholique de Boston qui, pendant des décennies, a protégé des personnalités religieuses, politiques et juridiques en lien avec la pédophilie. C'était le début d'un mouvement d'éveil et de l'instauration de la justice.
La vraie petite équipe Spotlight du Boston Globe était constituée de cinq personnes : Marty Baron (interprété par Liev Schreiber) Ben Bradlee Jr. (interprété par John Slattery), Michael Rezendes (par Mark Ruffalo), Sacha Pfeiffer (par Rachel McAdams) et Walter V. Robinson (par Michael Keaton). Les acteurs sont criants d’authenticité, et rien n’est de trop dans cette œuvre sobre et intense.
Dès son arrivée en poste, Marty Baron a rapidement vent d’une histoire d’abus sexuels commis sur des enfants par un prêtre de Boston. Celui-ci aurait abusé sexuellement quatre-vingts enfants dans six paroisses pendant trente ans. Marty Baron décide d’ouvrir l’enquête. Au cours de celle-ci, un homme qui a été agressé sexuellement par un prêtre dans son enfance vient rencontrer l’équipe du Boston Globe. Il affirme que cette histoire n’est pas nouvelle. Il détient un carton rempli de preuves dont il a parlé à plusieurs personnes influentes au cours de sa vie, mais toujours sans suite. Il se bute à une omerta sur ce sujet. Or les responsables de la puissante Église catholique romaine, et plus précisément l’archevêque Bernard Francis Law, étaient aussi au courant, mais n’ont rien fait pour empêcher ces méfaits. Comme il était coutume, dès que des personnes commençaient à dénoncer un prêtre abuseur, on envoyait celui-ci dans une autre paroisse. C’est d’ailleurs cette pratique qui a permis de découvrir que quatre-vingt-dix prêtres, au total, ont abusé de jeunes. En effet, des archives annuelles conservées depuis de nombreuses années recelaient le nom et l’occupation de chacun de ces prêtres du diocèse. Il devenait alors possible de les retracer un à un au fil des ans par leur lieu de rattachement ou leurs déplacements vers une autre paroisse. L’équipe entreprend d’investiguer plus avant. Quelle n’est pas sa stupéfaction quand celle-ci découvre qu’il n’y a pas seulement un prêtre qui perpétue des abus, mais un second, puis un troisième et un quatrième. L’équipe Spotlight est mise sur l’affaire. Commence une suite ininterrompue d’avancées et de revers qui nécessiteront la rencontre de victimes. Celles-ci hésitent à parler tant elles sont marquées par ce qui leur est arrivé… mais bientôt, le téléphone de Spotlight ne dérougit pas d’appels de la part des victimes. Entre-temps, les membres de l’équipe entreprennent un travail titanesque pour traquer d’autres prêtres de Boston qui sont susceptibles d’abuser des mineurs. C’est en collaboration avec Mitchell Garabedian, un avocat qui avait déjà tenté de faire la vérité, que l’équipe constatera que l’Église, par toutes sortes de moyens, a sans cesse étouffé l’affaire. Cependant, la ténacité de l'équipe a permis de surmonter les embûches et de faire fléchir l’Église catholique romaine.
Toute cette affaire n'aura pas été vaine. Elle aura permis que des personnes se lèvent pour rétablir la justice, qui est une valeur importante du christianisme. Elle aura permis que l'Église bouge, que des actions sérieuses soient entreprises pour que le silence cesse et que des victimes puissent enfin parler et obtenir réparation. Je cite pour exemple la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) : déjà, en 1992, elle avait publié à ce sujet De la souffrance à l’espérance, un document visant à prévenir les abus sexuels chez les enfants, tout en aidant les évêques à traiter adéquatement les abus vécus dans leur diocèse. Il s’agissait alors de la première étude systémique et des premiers jalons pour la prévention des abus sexuels, le soin des victimes et la procédure administrative dans les cas d’abus sexuels commis par des membres du clergé, développée par une conférence épiscopale de l’Église catholique1. Les évêques du Québec se sont inspirés de ce document pour se doter d’un protocole qui s’adresse aux personnes œuvrant en Église, aux diocésains et diocésaines ainsi qu’à la société civile. En 2002, à la lumière des expériences des diocèses et des développements mondiaux sur cette question, le document fut révisé. En 2007, une nouvelle mise à jour vint consolider les protocoles diocésains de prévention des agressions sexuelles sur des personnes mineures. La question des réponses pastorales aux plaintes en matière d’abus commis sur des personnes mineures par des membres du clergé ou d’autres employés relevant du diocèse ont été elles aussi mises à jour par la CECC. Bien sûr, la vigilance demeure devant ces crimes qui ne doivent pas demeurer impunis. Cependant, je crois que nous pouvons dire que, chez nous, la question des abus d’enfants est prise au sérieux par les autorités ecclésiales. Je me permets même de dire que nous pouvons être fiers des pas qui ont été faits à propos de cette question depuis plus de deux décennies, parce qu’il s’agit de la liberté et de l’épanouissement des plus fragilisés de notre société.
Ce film pourrait aisément faire l’objet d’une présentation suivie d’une discussion avec les personnes qui œuvrent dans les institutions ecclésiales. À titre de chrétiens et chrétiennes, il nous renvoie à notre conscience : il pousse à dénoncer ce dont nous avons connaissance et à nous insurger quand quelqu’un prétend qu’il vaut mieux se taire pour éviter un scandale. Il nous invite à prendre la défense de ces jeunes chaque fois qu’on met en doute leur parole. Et s’il ne nous appartient pas de déterminer l’authenticité de leurs dires, nous nous devons quand même de tout mettre en œuvre pour contribuer à ce que la vérité et la justice soient faites. Puisse cet article donner envie aux lecteurs et lectrices de visionner ce film incontournable et d'en parler. Cette œuvre cinématographique réussie, et sobre, ne contient aucune scène d’abus sur les mineurs, mais donne l’heure juste sur ces scandales qui, malheureusement, continuent d’éclater encore chez nous au Québec.