Robert Lebel : par-delà le musicien et le chanteur...
Sdf.info – Comment s'est éveillé en toi ce que tu as choisi d'être aujourd'hui?Robert Lebel – Mon enfance, c’est un paradis. Un peu comme la Genèse : tout était beau, bon, généreux, resplendissant, entouré d’amour. Jouer dehors, dessiner, faire mes devoirs, jouer avec mes frères et sœurs, aller à l’église, cela faisait un tout. L’ensemble était ma respiration. À l’église, je découvrais la beauté de la liturgie et le sacré.
Sdf.info – Comment s'est éveillé en toi ce que tu as choisi d'être aujourd'hui?
Robert Lebel – Mon enfance, c’est un paradis. Un peu comme la Genèse : tout était beau, bon, généreux, resplendissant, entouré d’amour. Jouer dehors, dessiner, faire mes devoirs, jouer avec mes frères et sœurs, aller à l’église, cela faisait un tout. L’ensemble était ma respiration. À l’église, je découvrais la beauté de la liturgie et le sacré. On allait facilement à l’église sauf quelquefois quand on faisait nos crises d’enfants ou nos rebuffades d’adolescents.... qui ne duraient jamais bien longtemps. Un jour, j’ai découvert les chansons du père Duval. Je me suis dit : « Je pourrais faire cela quand je serai grand : être prêtre, jouer de la guitare et écrire des chansons. J’avais sept ou huit ans. C’est un flash important de ma vie spirituelle. La découverte de ces chansons-là fut un tournant important parce que ça a fait naître un rêve.
Sdf.info – Tu as eu la chance d’évoluer dans des milieux ouverts…
RL – Beaucoup. Chez les Assomptionnistes, nous étions formés spirituellement par les Exercices de saint Augustin (variante de ceux d'Ignace), la méditation quotidienne, l'accompagnement spirituel, puis l'insertion apostolique vers les milieux défavorisés. De plus, des formateurs faisaient les exercices dans la vie courante de saint Ignace avec les éclairages de la psychologie. C’était très audacieux, très en avant de notre temps par rapport à d’autres noviciats qui étaient extrêmement serrés. Toute la dimension psychologique de la personne humaine m’a beaucoup aidé à assumer ma foi. Les deux vont de pair et participent à la liberté d’être.
Sdf.info – On dit de toi que tu es un prêtre heureux.
RL – Tout à fait. Ça ne veut pas dire sans souffrances. Ça veut dire que ma route comme prêtre est une route très heureuse. J’ai eu des temps d’épreuve : entre autres, j’ai quitté une communauté, les Assomptionnistes, pour entrer dans l’institut Voluntas Dei. Je n’ai pas changé pour autant. Je dis que mon sacerdoce a changé de pot de terre. Il ne s’épanouissait pas bien là où il était. Il a dû se transplanter, mais mon sacerdoce n’en était pas moins heureux. C’est la dimension d'alliage entre la communauté et l’appel à la vie artistique qui me conduisait à passer à autre chose.
Sdf.info – Tu sembles toujours inventer la vie au moment présent.
RL – Je le souhaite parce que je cherche la vie. Demain je ne sais pas, dans une heure je ne sais pas. Je dois travailler chaque jour dans le terreau qui m’est donné : je laboure, j’enlève des pierres, je recommence, puis je fais confiance à la prochaine saison. C’est la vie : un cycle qui ouvre sur l’Éternel. Si j’enlevais l’Éternel de ma vie, je ne serais rien. Si j’enlève la parole de Dieu, je ne suis rien, rien du tout. Ma vie a pris son sens avec ces mots-là.
Sdf.info – Qu’est-ce qui te bouleverse le plus dans la personne de Jésus?
RL – Les rencontres. Quand Jésus avait une rencontre, il se passait quelque chose. Je suis fasciné par la beauté des rencontres de Jésus dès les premiers appels des disciples. Pas de la séduction, mais plutôt un appel intérieur à laisser vivre ce qui est le plus vrai en moi. Je peux vivre avec ce que je suis devant Lui. Il m’appelle et m’interpelle à laisser l’autre être ce qu’il est, le plus que je peux, et l’aider à vivre. Je souhaiterais que mes rencontres puissent être aussi porteuses de vie. Jésus fait de ses rencontres des croisées de chemins extraordinaires. On ne voit personne partir comme il était avant. Dans ces rencontres, il révèle à la personne ce qu’elle est vraiment et il l’aime.
Sdf.info – Tu fais beaucoup de rencontres.
RL – De diverses manières : des gens sont touchés au fond de leur cœur par mes chants et me l’écrivent. J’essaie de répondre le plus possible, car ce sont des rencontres à ne pas laisser passer. Des fois, un pauvre frappe à ma porte. D’autres fois, une personne malade téléphone : combien, combien, combien de téléphones! Par Versant-La-Noël1, par les concerts, mon équipe de travail, les éditions Pontbriand2, la musique, la Fondation Robert Lebel, etc., je fais beaucoup de rencontres. Ce sont des rencontres que je ne peux pas toutes soigner également. Je ne suis pas capable. Ma santé ne me le permet pas. Mais je veux qu’elles portent le nom de rencontres vitales, vivifiantes. Je veux être accueillant. Chaque cœur a sa beauté. Le pauvre comme le riche mérite amour, respect, écoute.
Sdf.info – Comment en es-tu venu aux personnes qui croient autrement?
RL – Notre maison était située entre deux églises de confessions différentes de la nôtre. Je ne comprenais pas qu’on puisse jouer avec les enfants qui fréquentaient ces églises, aller à l’école avec eux, rire avec eux… mais ne jamais prier avec eux. J’ai toujours nourri cette liberté de rencontrer toute personne malgré sa différence. Je suis toujours heureux de saluer l’étranger. C’est peut-être naïf de ma part, mais… tout ce qui est beau chez l’autre, ça vient du même Esprit : la bonté qu’elle soit catholique ou musulmane, c’est la bonté.
Sdf.info – Qu’est-ce qui te fait durer dans l’Église?
RL – La prière. Chaque matin, ma vie commence par un signe de croix. Je signe mon corps, ma vie, ma journée par Lui, le Père, le Fils et l’Esprit, tous les trois présents. La prière du matin est mon trésor. Ensuite, le fait que l’Église a évolué avec le temps, et puis moi avec elle. Je vois changer encore l’Église. Je ne la suis pas dans tout, mais je l’aime comme elle est, et si je peux faire quelque chose pour évoluer mieux avec elle, je le fais. Actuellement, le Pape bouscule beaucoup de gens qui veulent s’installer dans le passé, dans une hiérarchie, dans une Église de pouvoir ou même dans une liturgie standardisée. Mais il dit : « Non! Laissez la vie passer. » Je trouve qu’on retourne à l’esprit du Concile. Ça sent la même fraîcheur. Ceux qui veulent se ranger du côté de la vie, ils y vont et les autres… bien, ils vont se braquer du côté de leur béton. Et moi, comme le dit une image connue, je n'aime pas « bétonner » les rives de ma vie spirituelle, car je l'empêcherais de se nourrir et de reverdir au contact du cours d'eau jailli de l'Évangile.