En sentier certes, mais de façon structurée et structurante
Autour de 1990, une Québécoise, qui demandera toujours qu’on respecte son anonymat, décide de prendre au sérieux l’injonction de Jésus au jeune homme riche (Mt 19, 16-30) et de se délester, en faveur des pauvres, d’une quinzaine de millions récemment acquis.
Autour de 1990, une Québécoise, qui demandera toujours qu’on respecte son anonymat, décide de prendre au sérieux l’injonction de Jésus au jeune homme riche (Mt 19, 16-30) et de se délester, en faveur des pauvres, d’une quinzaine de millions récemment acquis. Elle sent vite le besoin de structurer sa démarche. Les conseils de Mgr Charles Valois, un évêque d’esprit conciliaire, amène à la création d’une corporation autonome qui permettra de réaliser certaines intuitions de base. D’une part, il s’agit d’aider les organismes au service des pauvres là où ils sont, soit à l’intérieur de l’Église ou en pleine sécularité. D’autre part, on privilégiera les tournants innovateurs, plutôt que les interventions traditionnelles.
Le conseil d’administration de la Fondation Béati a continué à articuler ses interventions. Aujourd’hui, la presque totalité des subventions sont accordées à l’occasion, sauf exception, de trois concours annuels à l’intérieur de deux programmes (social et pastoral) dont on révise périodiquement les visées à partir d’une analyse des situations, sociale et pastorale, québécoises. Le calendrier du programme social permet d’assurer un équilibre du financement dans les différentes régions. (On trouvera les détails sur leur site.)
Béati n’assure pas de financement récurrent, mais favorise des projets innovateurs. Les montants s’avèrent relativement importants (10 000 $, voire 25 000 $) et s’étalent parfois au-delà d’une année. Les sollicitations sont nombreuses. L’argent disponible limité. La rigueur s’impose. L’organisme demandeur doit répondre à un questionnaire où il rend compte de son statut institutionnel en termes juridiques et financiers ainsi que du projet à subventionner, de sa pertinence et de son originalité, et de sa planification. La permanence de Béati assure alors une première sélection, et l’un ou l’autre des permanents ira visiter les différents organismes solliciteurs de partout dans la province. On s’assure ainsi d’une connaissance concrète de l’organisme et des personnes impliquées et, souvent, on les aidera à préciser leur requête. Les projets sont enfin soumis au comité de sélection composé de personnes issues des milieux communautaires ou pastoraux qui ont la difficile tâche de choisir en tenant compte des éléments de chaque programme.
Force est de constater un manque de symétrie entre les demandes touchant les programmes social et pastoral. Les premières, habituellement plus nombreuses, s’inscrivent plus facilement dans la démarche du questionnaire et des visées de la Fondation. On sent qu’elles émergent d’une culture commune, celle du milieu communautaire où l’on a l’habitude des demandes de subvention, mais surtout un langage commun (par exemple : planification, politique financière, etc.) qui exprime des valeurs communes comme l’« empowerment » ou la participation. Des valeurs actuelles qui incarnent de façon relativement précise la valeur de justice sociale.
Une situation fort différente de celle des milieux pastoraux, où le concept de justice sociale se limite très souvent à un secteur de pastorale spécialisé, où les concepts restent souvent flous et où l’action traditionnelle est plus ou moins en accord avec l’éthos actuel. Or, dès le départ, Béati se défiait des pratiques qui tournent en rond et aspirait à une démarche structurée qui aide les gens à se structurer eux-mêmes. On est au-delà du concepts de fidèle, de don ou de charité. Ces réalités doivent s’incarner dans des pratiques qui portent des valeurs concrètes auxquelles les femmes et les hommes engagés dans l’Église ne sont pas toujours rompus. En dehors de cercles restreints, on n’associe pas toujours ces valeurs au christianisme, quand on ne prétend pas tout simplement en écarter certaines. Or la liste des valeurs que prône Béati est claire et nette : Humanisme, Justice sociale, Démocratie et Égalité homme-femme.