Dead Man Walking
L’histoire de sœur Helen Prejean, une Louisianaise militant contre la peine de mort depuis les années 1980, a déjà fait l’objet d’un livre et d’un film du même titre racontant son accompagnement spirituel d’un condamné à mort.
L’histoire de sœur Helen Prejean, une Louisianaise militant contre la peine de mort depuis les années 1980, a déjà fait l’objet d’un livre et d’un film du même titre racontant son accompagnement spirituel d’un condamné à mort. L’opéra1 n’apparaît pas redondant pour autant, car il met en scène avec une intensité artistique unique le parcours de sœur Helen. Cette version procure d’ailleurs deux étonnements. D’abord celui qu’un opéra aborde crûment l’univers d’un prisonnier sans faire l’économie de l’agression qu’il a commise ou des pompes qu’il peut faire en sous-vêtements dans sa cellule, par exemple. La kénose d’un art raffiné qui s’invite dans une réalité carcérale actuelle désarme, voire déstabilise, le spectateur. Puis, l’étonnement de voir présentée sans complexe la foi catholique assumée d’une religieuse telle qu’elle se vit pour elle, naturellement, rosaires et prières compris. Rafraîchissante libération quand la tendance encourage plutôt la honte ou la moquerie à cet égard. Avec humour, le personnage de sœur Helen chante que la chose la plus téméraire qu’elle ait faite fut aussi la plus merveilleuse : devenir l’épouse du Christ, une tête brûlée comme elle en est une également! Forte d’une telle personnalité, sœur Helen accepte de visiter un jour son correspondant, Joseph De Rocher, coupable de viol et de double meurtre. Si la peur la tenaille, sœur Helen suit l’appel de rencontrer le Christ en Joe, de voir le bon qu’il porte encore. Même si Joe a tué deux enfants de Dieu, il en reste un lui-même, et la certitude de sœur Helen est que Dieu ne veut pas qu’il soit exécuté.
L’authenticité de l’œuvre et la qualité de cette production justifient à elles seules qu’on ait proposé au public Dead Man Walking. Mais à cela s’ajoutent le charisme et la conviction sereine et aimante de la vraie Helen Prejean, qui a fait la promotion de sa cause pour l’occasion. On pourrait penser qu’elle prêche ici à des convertis, alors que le danger de revenir en arrière persiste. Au Canada, la peine de mort a été abolie en 1976, mais depuis l’arrivée du gouvernement Harper, les ressortissants canadiens condamnés à la peine capitale dans d’autres pays sont abandonnés à leur sort2. Et jusqu’à 50 % des Canadiens seraient en faveur de son rétablissement au pays3...
Or, dans une entrevue accordée à l’émission Voir4, Helen Prejean avançait un argument fondamental : assister à l’exécution de celui qui a causé la mort d’un proche n’apaise pas la douleur des survivants; la violence n’est jamais rédemptrice. La solution ultime, idéale, repose sans doute dans le pardon, qui consiste avant tout non pas à dégager d’un fardeau le criminel mais à garder intacte sa capacité d’aimer. Cette évangélisatrice des temps modernes livre un message sur la dignité humaine que les gens ont visiblement envie d’entendre et de relayer. Parce qu’il est porteur d’espérance, de vérité et de vie.