Spiritualité : où sont rendus les jeunes?
Si les représentations courantes installent les jeunes tantôt dans un éclatement des références tantôt dans une homogénéisation culturelle, Mme Lefebvre les situe plutôt au cœur d’un excès de possibles sans précédent qui les oblige à faire des choix et les met devant autant de promesses que de risques.
Si les représentations courantes installent les jeunes tantôt dans un éclatement des références tantôt dans une homogénéisation culturelle, Mme Lefebvre les situe plutôt au cœur d’un excès de possibles sans précédent qui les oblige à faire des choix et les met devant autant de promesses que de risques.
Une importante revue de recherches scientifiques sert à dresser le portrait des 15-30 ans, que l’auteure a l’originalité de mettre en parallèle avec les Confessions de saint Augustin et l’Émile de Jean-Jacques Rousseau pour étayer sa caractérisation anthropologique de cette étape de la vie. Ainsi, elle en identifie le mouvement, qui se traduit souvent par l’amour de la musique et de la danse, et qui appelle un besoin de s’investir; la vie imaginaire, qui nourrit un croire effervescent et qui est stimulée par le désir d’être initié via des rites de passage; enfin, la quête de soi, qui peut se vivre « à travers l’aventure, le voyage et le pèlerinage » (p. 152). Or ces traits juvéniles n’ont rien de nouveau puisque le père de l’Église et le philosophe des Lumières les évoquent à leur façon dans leur œuvre phare, fixant respectivement la confiance/foi et la bonté comme fondements à inculquer en vue d’un passage heureux à l’âge adulte.
Et où les jeunes d’aujourd’hui logent-ils en matière de spiritualité et de religion? Certains empruntent la voie de l’athéisme, pigent dans le paranormal, dans différentes traditions religieuses, d’autres participent à des manifestations religieuses événementielles et festives, joignent des groupes communautaires. Beaucoup restent attachés à la culture religieuse familiale, même s’ils en délaissent la pratique cultuelle. La théologienne propose une typologie distinguant la spiritualité sans religion, exploration autonome désinstitutionnalisée, et la religion qu’elle définit comme étant une « voie choisie et empruntée volontairement » impliquant un « engagement envers » (p. 281). Les jeunes se distribuent entre ces deux pôles, sous le signe de l’autonomie et de l’indépendance si valorisées de nos jours, et tendent à vivre leur croire discrètement, voire individuellement.
Les éducateurs qui les accompagnent peuvent envisager une transmission faite de ruptures et de continuités, et de réciprocité, apprend-on. Aussi ce livre s’adresse-t-il vraiment à eux, car il déploie toutes les nuances de la jeunesse et inspire une façon fructueuse d’interagir avec elle, que ce soit en contextes pastoral, scolaire ou familial.
Relativement dense, Cultures et spiritualités des jeunes a la force de compiler beaucoup de savoirs anthropologiques, sociologiques et religieux de référence, le tout ponctué d’exemples concrets et de témoignages authentiques, dans une langue accessible.