La vertu ne suffit pas
Dans Tout ce que tu possèdes, Bernard Émond illustre éloquemment les ravages de la cupidité telle qu’elle se déploie dans notre société axée sur le développement économique : relations abîmées, nature surexploitée, vies humaines négligées.
Dans Tout ce que tu possèdes, Bernard Émond illustre éloquemment les ravages de la cupidité telle qu’elle se déploie dans notre société axée sur le développement économique : relations abîmées, nature surexploitée, vies humaines négligées. Mais qu’opposer à l’appât du gain? Choisir le dépouillement matériel rend-il nécessairement quelqu’un bon, ou meilleur? Car Émond a ensuite l’originalité d’explorer les limites de la vertu à travers son personnage principal, Pierre Leduc. Ce dernier vit frugalement et démontre assez d’honneur pour refuser une fortune mal acquise, mais ça ne suffit pas à le rendre heureux ni à rendre heureux autour de lui. Il a beau prendre le contre-pied de la société vénale représentée par son père, « tout cela ne [lui] sert de rien », a-t-on envie de dire avec Paul dans sa Lettre aux Corinthiens. Cantonné dans le bien, Pierre se coupe du monde et ne voit pas le mal qu’il peut causer à sa façon. Que manque-t-il donc aux pharisiens de ce monde? Et où se trouve leur rédemption?
Le film propose la plus belle des réponses à cette question : l’autre. L’autre qui nous oblige à sortir de soi, qui peut nous obliger à être bon malgré nous quelquefois. Mais être bon revient à faire vivre des valeurs plus grandes que nous. À résister aux tentations permanentes de notre société. Et cela est très difficile. On le voit avec l’évolution touchante, mais ardue, que traverse Pierre Leduc, filmé dans une ville de Québec humble qui enracine. Or, tout exigeant que le trajet de Pierre puisse être, cette histoire nous donne précisément envie de l’emprunter, d’accueillir l’autre dans notre vie, d’aller à la rencontre de notre bonté, de notre humanité. Parce que cette histoire nous convainc que c’est ainsi que la vie prend son sens et que c’est ainsi que le monde devient meilleur. « Si on a reçu la grâce de croire en Dieu pour nous y aider, tant mieux; sinon, il faut peut-être faire comme si », confie Bernard Émond1.