Foi et justice au fil des saisons
« Pour le temps qui naît : sage-femme demandée.
« Pour le temps qui naît : sage-femme demandée. » – Guy Paiement
Depuis près de trois ans, de 25 à 40 baptisées et baptisés se réunissent périodiquement, au Centre justice et foi, à Montréal, pour faire mémoire de celui qui est mort et ressuscité. Au centre de ce cercle qu'ils forment lors des rencontres, on a posé, sur une petite table, une grosse miche de pain et une carafe de vin. Il y a aussi un cierge et la Bible. Un homme ou une femme préside la rencontre. Ces chrétiennes et ces chrétiennes sont là pour célébrer la vie et renouveler leur espérance en la lumière de l'Évangile en faisant mémoire de la façon dont Jésus a vécu sa vie d'homme dans le monde de son temps. Toutes et tous, ils se sentent invités à le suivre et à faire de même dans ce temps qui est nôtre, dont un enjeu est abordé chaque fois par le moyen de la lecture d'une voix politique ou littéraire d'ici. Un temps de méditation, suivi du partage du pain et du vin, leur permettent d’intérioriser cet appel lancé sur le chemin d’Emmaüs. Le tout est ponctué par des chants et des temps de silence. Le mémorial se prolonge dans un repas-partage qui en fait partie intégrante. Ces célébrations sont nées dans la foulée de la Commission Emmaüs, mise en œuvre par Guy Paiement en novembre 2009, et qui faisait suite à une réflexion collective sur « une autre manière de voir l’eucharistie et l’avenir de l’Église ». Puis, un groupe d’une dizaine de participants et participantes à cette commission a mené des consultations et poursuivi un discernement sur les suites à donner à cette démarche. C’est ainsi qu’est né le projet de célébrations festives et inclusives, libres et créatives, dans une perspective de foi chrétienne engagée pour la justice, la paix et la solidarité. Les Saisons d’Emmaüs veulent incarner ce projet dans l’attention à toute évolution que l’expérience pourrait suggérer. Les personnes qui y participent se veulent en marche, comme ces deux pèlerins scrutant les signes des temps en compagnie de Jésus. C'est à l'occasion de la préparation du Congrès eucharistique de Québec, au printemps de 2008, que quelques dizaines de chrétiens engagés accueillent avec enthousiasme la suggestion de Guy Paiement, président des Journées sociales du Québec, de tenir une réunion et de produire des textes qui s'inscriraient dans une démarche différente de celle de l'Église officielle. Ces textes sont rassemblés dans la publication Témoins d'une naissance1 regroupant vingt textes sur une autre manière de voir l'eucharistie et l'avenir de l'Église. Une soirée réalisée au Centre Saint-Pierre, le 19 mai 2008, fournit par la suite l’occasion d'échanges extrêmement stimulants dans la foulée de la publication du recueil. Quelque 150 personnes y participent. De la Commission aux Saisons d’Emmaüs Tablant sur ce succès qui, de toute évidence, comble un appétit, un petit groupe se réunit à plusieurs reprises pour donner suite à cet événement. C'est là que naît cette idée de la Commission Emmaüs, laquelle donne lieu à une journée tenue le 28 novembre 2009. Cette réunion connaît elle aussi un franc succès avec un aussi grand nombre de participants et participantes. Comme le précise Élisabeth Garant, membre depuis le début de la Commission Emmaüs, « l’objectif de la rencontre consiste à dégager de nos pratiques au fil des années les principales découvertes que nous avons pu faire et de souligner les pratiques qui ont la capacité de nourrir l’avenir qui se dessine. Il s’agit donc d’un vaste exercice de discernement collectif en 12 ateliers qui peut orienter notre recherche du bien commun et les implications de nos communautés de foi. » Après la mort de Guy Paiement, en avril 2010, un noyau de personnes tente de voir comment donner suite à ces rencontres, aux intuitions qui y ont été exprimées, et à ce besoin de cheminer ensemble déjà clairement manifesté. Guy Côté, Gérard Laverdure, Élisabeth Garant et Michel Rioux poussent alors la réflexion qui a abouti aux rencontres «Les Saisons d'Emmaüs » qui rassemblent, à chacune des saisons, ces chrétiennes et chrétiens depuis maintenant plus de deux ans (la première célébration a eu lieu le 3 juin 2012). Anne-Marie Lavoie s'est rapidement jointe au groupe initial. Chaque célébration est le fruit d'une véritable création collective, faisant appel à l'expérience de chacune et chacun. Les célébrations suivent les saisons, mais aussi des moments de l’actualité qui nous interpellent comme chrétiennes et chrétiens engagés. Ainsi, au fil des rencontres déjà réalisées, les personnes qui y participent se sont laissé touchées et interpellées comme croyantes par le Printemps érable, la beauté du monde, le rapport à la nature, elles se sont interrogées sur le partage du pain et du vin dans leur vie de foi et sa résonance sociale tout en se ressourçant pour continuer leur route d’engagement malgré les intempéries.