Les deux pieds dans la Galilée de ce temps
En 1891, l’encyclique de Léon XIII, Rerum Novarum, s’attaque à des problèmes qui ressemblent étrangement à ceux de notre temps.
En 1891, l’encyclique de Léon XIII, Rerum Novarum, s’attaque à des problèmes qui ressemblent étrangement à ceux de notre temps. Au premier paragraphe, on peut lire : « Les rapports entre patrons et ouvriers se sont modifiés. La richesse a afflué entre les mains d’un petit nombre et la multitude a été laissée dans l’indigence. Les ouvriers ont conçu une opinion plus haute d’eux-mêmes et ont contracté entre eux une union plus intime. Tous ces faits, sans parler de la corruption des mœurs, ont eu pour résultat un redoutable conflit. » C’est probablement l’actualité de cette analyse qui a fait que, en 1991, lors d’un colloque tenu à l’Université Laval, la célébration du centenaire de cette encyclique a donné le coup d’envoi aux Journées sociales du Québec (JSQ). Ces JSQ « constituent un vaste réseau de personnes engagées dans les transformations sociales de leurs différentes régions » et celles-ci « se reconnaissent dans la trajectoire issue d’un évangile libérateur, partie prenante d’une Église qui en témoigne et qui s’inspire de l’espérance des personnes oubliées1 ».
Michel Rioux, l’un des artisans de la première heure, m’a aidé à retracer brièvement l’itinéraire de ces JSQ qui, à tous les deux ans, dans l’une ou l’autre des régions du Québec, rassemblent des personnes engagées dans le changement social au nom de leur discrète adhésion à Jésus Christ dans le monde de ce temps. Dès le début de l’aventure s’impliquent des figures connues comme Louis O’Neil, feu Guy Paiement, Michel Beaudin et Lise Lebrun, groupe initial auquel se sont joints plusieurs autres leaders catholiques engagés socialement.
Chaque rencontre développe un thème collé à l’actualité du moment. Analyse sociopolitique, éclairage biblique et théologique permettent d’éclairer les différents vécus des personnes ainsi regroupées. Les Journées sociales diffèrent d’un congrès en ce qu’elles cherchent à « faire dialoguer les pratiques et les réflexions », avec insistance sur la participation de personnes travaillant à la base. Réunir et faire réfléchir ensemble « les docteurs du dire et les artisans du faire ». Aux premières JSQ, à Chicoutimi en 1993, il s’agissait de répondre à l’importante question : sans emploi, peut-on vivre? Cette première rencontre, et au cours des quelques autres qui l’ont suivie, les présentations et les délibérations ont même donné lieu à des publications. En 2003, à Hull, les JSQ ont traité du thème À nous le politique; en 2007, à Saint-Hyacinthe, Débloquer l’avenir; enfin, cette année, au mois de mai, on a réfléchi aux Réveils populaires, signes des temps, un an après les Carrés rouges, manifestation québécoise cadrant avec d’autres réveils vécus au cours des mois précédents partout sur la planète : Tunisie, Égypte, Espagne, États-Unis, entre autres.
Les JSQ rassemblent encore quelque 200 personnes, participation en baisse par rapport aux premières années où près de 400 personnes se regroupaient autour du thème et mettaient en commun leurs expériences et leurs réflexions marquées par les réalités de leurs différents milieux. Assez régulièrement, un évêque, souvent le pasteur du diocèse hôte, participe aux délibérations. Belle exception, en cette année 2013, à Rimouski, où les deux évêques de la région gaspésienne étaient présents, ce qui n’a pas manqué d’être noté. Michel Rioux, mon guide, longtemps engagé dans le syndicalisme, regarde avec réalisme l’évolution de ces rencontres au cours des 20 dernières années et ne se désole pas de la baisse de participation. Pour lui et, je crois, pour l’ensemble des artisanes et artisans de ce haut-lieu de la réflexion liant foi et engagement social, le plus important, c’est que ces journées de rencontre demeurent pertinentes et enrichissantes pour celles et ceux qui les vivent. Et, en effet, les personnes qui s’y retrouvent en ressortent enhardies par la solidarité qui s’y vit et la présentation des multiples expériences qui font l’objet de présentation et d’analyse.
Par exemple, à Rimouski, en mai dernier, une jeune dame nous a rappelé avec un enthousiasme communicatif les réveils populaires qui se sont vécus dans les années 1970-80 lors des célèbres Opérations Dignité qui ont fait se lever toute la population de la région que le BAEQ2 voulait pratiquement voir rayée de la carte. Avec quelques autres expériences souvent présentées dans Sentiersdefoi.info, les Journées sociales du Québec constituent un haut-lieu de renforcement de personnes engagées, au nom de leur foi, dans la Galilée de ce temps.