Un espace sûr dans une église pour les jeunes gais et lesbiennes
« Nous, on n’a pas eu de fun à notre bal de finissants, parce qu’on n’aurait pas pu danser avec notre blonde ou notre chum sans que tout le monde nous regarde.
« Nous, on n’a pas eu de fun à notre bal de finissants, parce qu’on n’aurait pas pu danser avec notre blonde ou notre chum sans que tout le monde nous regarde. » Dans cette seule phrase, Gabrielle Poitras, bénévole et membre du conseil d’administration du Centre jeunesse LGBTQ1 de l’Ouest-de-l’Île, exprime les difficultés auxquelles font encore face de nos jours plusieurs jeunes des minorités sexuelles. C’est pourquoi le Centre jeunesse organise cette année, pour une première fois qui ne sera pas la dernière, espère le Centre, un bal des finissants pour ces jeunes. Des affiches ont été posées dans les écoles de la région, une vidéo est diffusée sur Facebook et un article sera publié sur cette activité dans le West Island Chronicle.
Le Centre jeunesse LGBTQ loge dans le sous-sol de l’Église Unie de Beaconsfield. Il a été fondé par le pasteur de cette paroisse, Shaun Fryday. Certaines paroisses de l’Église Unie se déclarent officiellement inclusives, c’est-à-dire accueillantes pour les personnes d’orientations et identités sexuelles diverses. Mais le pasteur Fryday souhaitait que cet accueil se concrétise par un projet qui aille au-delà d’une simple déclaration de bienvenue. C’est ainsi que le Centre jeunesse LGBTQ de l’Ouest-de-l’Île a vu le jour en mai 2011. Il fête ce mois-ci ses trois ans, et le bal des finissants sera l’occasion de célébrer aussi cet anniversaire.
Mais pourquoi un tel centre? « Le but est de rassembler les jeunes LGBTQ qui n’ont aucune autre place pour eux dans le West Island. Sur l’île de Montréal, il existe beaucoup de ressources et d’organismes pour les jeunes LGBTQ, mais tout est concentré au centre-ville ou sur le Plateau Mont-Royal, à une heure et demie d’autobus pour un ou une jeune de Beaconsfield. Avant le Centre, c’était difficile pour les jeunes du coin de trouver quelqu’un à qui parler et avec qui ils puissent se sentir en confiance. Le Centre répond à un besoin réel », explique Gabrielle. Seulement en 2013, 480 jeunes ont eu recours aux services du Centre. Chaque semaine, au moins un nouveau jeune arrive au Centre et découvre un endroit sûr et des gens à qui il peut parler sans crainte. « Les trois problèmes qui reviennent le plus souvent sont l’intimidation et les problèmes avec les pairs, les questions de santé mentale (qui incluent les tentatives de suicide), et les relations avec les parents. Pour les situations de crise, nous dirigeons le jeune vers la ressource la plus appropriée. Un psychologue siège au c. a. et offre ses services. »
Et depuis sa fondation, le Centre jeunesse a fait des petits. Un centre pour adultes est né en octobre 2011 et, plus récemment, c’est un centre pour aînés LGBTQ qui a été mis sur pied. Les jeunes ne sont pas les seuls à souffrir du relatif éloignement de la région par rapport aux ressources et aux organismes de la communauté LGBTQ. Adultes et aînés sont d’ailleurs invités au bal des finissants. « Eux non plus n’ont pas dû avoir beaucoup de plaisir à leur bal. Dans les années 1950, c’était impensable de s’afficher! »
Le Centre jeunesse est ouvert les mercredis et vendredis après l’école, de 16 h à 20 h, et accueille les jeunes en français et en anglais. On y trouve une bibliothèque riche en livres et en DVD à thématiques gaies, une Wii, des jeux, un cinéma-maison, des sofas confortables… « Le Centre ressemble à un sous-sol cool où il n’y a pas de parents, un endroit relax pour les ados, mais c’est quand même structuré, puisque, en tout temps, des bénévoles âgés de 24 à 30 ans sont présents. »
Le Centre jeunesse ne laisse pas de côté les parents de ces jeunes : un groupe de parents s’y réunit sur une base mensuelle. Eux aussi sont parfois désemparés devant l’orientation ou l’identité sexuelle de leur enfant et ont besoin de parler.
Sous la houlette de son nouveau et dynamique directeur Dane Robertson, 25 ans, le Centre jeunesse LGBTQ de l’Ouest-de-l’Île poursuit la mission qu’il vit depuis trois ans en grande partie grâce au financement de l’Église Unie du Canada, de diverses fondations de celle-ci et à l’appui de la Banque Nationale.
En ce 17 mai, qui est chaque année la Journée internationale contre l’homophobie, il est bon de se rappeler que les Églises peuvent, par leur mission, jouer un rôle dans la lutte contre toutes les discriminations, y compris celles dont sont victimes les personnes des minorités sexuelles.