Sentiers de FoiVolume 03 - no 16

Faire parler les murs

Lucie Brousseau
Couvents, églises et chapelles se dressent fièrement au cœur de nos villes, garants d’un passé religieux bien présent.
Couvents, églises et chapelles se dressent fièrement au cœur de nos villes, garants d’un passé religieux bien présent. Depuis quelques décennies, la plupart d’entre eux, un à un, se voient relégués aux oubliettes, vendus pour être destinés à d’autres usages ou carrément détruits. Des citoyens se portent à la défense de ces témoins du passé, avec parfois plus ou moins de succès. À Québec, M. Denis Robitaille est le chargé de projet d’une initiative originale et novatrice en matière patrimoniale « et le projet est très rassembleur, nous dit-il; il rallie les intervenants de tous les milieux ». Religieuses de la communauté, muséologues, architectes, politiciens, urbanistes et ethnologues, tous s’entendent et reconnaissent la valeur du projet qui prend forme dans le joyau qu’est le Monastère des Augustines datant de 1695. Ce dernier abrite de véritables trésors archivistiques, architecturaux et ferait mourir d’envie tout antiquaire qui se respecte. Ce n’est pas surtout cette dimension qui a guidé la démarche pour répondre au désir des principales intéressées, hélas vieillissantes, de garder vivant ce riche et précieux patrimoine. « En patrimoine, on parle beaucoup, depuis quelques années, de l’esprit des lieux » nous mentionne le chargé de projet. C’est exactement la pierre d’angle de la démarche. En se mettant à l’écoute des lieux, ce sont ces derniers et les femmes qui y ont vécu pendant près de quatre siècles qui ont soufflé la voie à prendre pour faire désormais du monastère « un lieu de mémoire habité » et lui offrir le rayonnement mérité. Pas question d’en faire un monument figé ou un espace qu’on visite simplement comme un musée. La visée est plutôt « d’en faire aussi un lieu d’expérience en parfaite conformité avec sa vocation première », précise M. Robitaille. Dans une foi solide, des femmes ont prié quotidiennement en ces murs; on en fera désormais un lieu de silence et de retraite pour les pèlerins de passage dans la ville et toute personne voulant bénéficier d’un temps de solitude ou de ressourcement. Les Augustines y ont soigné les malades sans relâche avec amour et dévotion, avec ferveur et compassion; des ailes du monastère seront vouées à l’hébergement des personnes accompagnant un proche malade. Ces femmes ont fondé l’Hôtel-Dieu de Québec, le premier hôpital en Amérique du Nord et onze autres par la suite; en plus d’y découvrir tout un pan d’histoire de la médecine au Québec, on fera place en ces murs à un endroit où le personnel soignant pourra venir réfléchir, partager en équipe, obtenir de la formation et du soutien pour garder le cap et donner sens à un travail souvent déshumanisé. Trois ponts créés entre hier et le XXIe siècle. Trois traits d’union entre la foi de feu de ces femmes et la réalité contemporaine. Trois flambeaux qui ne se sont pas éteints. M. Denis Robitaille mentionne au passage qu’« il y a eu certaines résistances de la part d’intervenants dans le projet qui avaient l’impression d’endosser un discours religieux ». Mais selon lui, puisqu’il s’agit d’un patrimoine bel et bien religieux, « on ne pouvait pas éliminer l’intention derrière le patrimoine religieux, car elle en est la clé d’interprétation ». Cette clé a, en effet, donné naissance à une merveilleuse initiative qui fera dire aux Augustines, dans cinquante ans : « Finalement, cette maison sera restée celle des soignants. » Y a-t-il plus belle façon de faire mémoire des Augustines et de leur œuvre? Nous pourrons leur dire à notre tour, termine M. Robitaille : « Vous avez légué à des soignants un espace de reprise en main de l’expérience soignante. »

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