Donner goût à la vie
Tout près de 70 %! C’est le taux de retour des anciens campeurs, été après été, au camp En piste que dirige Yves Guérette1 depuis 2004.
Tout près de 70 %! C’est le taux de retour des anciens campeurs, été après été, au camp En piste que dirige Yves Guérette1 depuis 2004. Ce chiffre est éloquent. Mais que s’y passe-t-il donc pour que les jeunes qui y participent aient d’emblée le goût d’y revenir?
Bien sûr, il y a l’expédition, la montagne et les paysages à couper le souffle. Il y a aussi le plaisir de lâcher son fou entre gars, avec la complicité des moniteurs. Mais cela va bien au-delà, selon le directeur du camp. Rares sont les colonies de vacances qui ajoutent la possibilité de donner sens à l’aventure et l’occasion de revisiter sa foi. « Bien que les jeunes s’inscrivent d’abord pour faire de la randonnée, nous, on l’utilise autrement, confirme-t-il. Toute l’expérience du camp est placée, du premier au dernier séjour (il y en a cinq par été, selon les groupes d’âge), dans un objectif de lecture et de relecture de l’expérience. » Il ajoute que « la montagne sert énormément à faire du renforcement positif ».
Le souci d’être attentif à chaque jeune
La moyenne d’âge des moniteurs qui accompagnent les jeunes est d’ailleurs, dans la mesure du possible, vraiment plus élevée qu’ailleurs, car la philosophie du camp, à ce chapitre, est d’être présent à chaque jeune, de l’aider à dépasser ses limites, d’être attentif « à trouver la clé qui pourrait le déverrouiller » dans certains cas où le jeune est « fermé, hermétique, ténébreux ». Et devant l’altérité de l’adolescent, « devant les doutes qu’il [nous] envoie parfois carrément », un adulte ne se sentira pas menacé. Il n’y a vraiment pas que la dimension des loisirs qui compte dans le travail de l’équipe d’accompagnateurs , il y a également « une dimension primordiale d’accompagnement humain et spirituel » rempli d’attentions.
Une quête spirituelle honnête et vraie
L’aspect « catéchèse » est fondamental et fait la spécificité des séjours offerts au camp. « La catéchèse se fait toujours sous forme de proposition, la prière du matin est libre » et s’y joignent ceux qui le désirent bien. « On questionne, on interprète, on cherche » à partir de récits bibliques et on conclut avec une prière. L’expérience est rassembleuse, « car on ne rabâche pas »; elle est participative aussi « puisqu’il y a une prise de parole, il y a une quête derrière tout ça ».
Un jeune doit-il alors absolument avoir un bagage d’éducation de la foi pour participer au camp? « Pas du tout », répond spontanément le responsable du camp. Il relate même le fait qu’un jeune campeur s’affichant clairement bouddhiste ait vécu l’aventure avec bonheur. Vivre l’expérience En piste ne demande pas une culture religieuse très développée. Seule une ouverture est nécessaire, et la disposition d’esprit d’accepter un minimum de la catéchèse de temps en temps. Pour Yves Guérette, « c’est un espace sain et nécessaire pour les adolescents qui vivent une profonde remise en question de la vision religieuse qu’ils avaient à l’enfance ». L’équipe est là pour « les accompagner dans la reconstruction ».
La valeur de l’autre
La description de l’esprit du camp serait loin d’être complète si on omettait de parler d’un autre pôle majeur de la philosophie déployée auprès des jeunes; il est question ici du « sens du frère ». Yves Guérette appelle d’ailleurs souvent les campeurs ses petits frères. Il souhaite « qu’on apprenne à transcender tout ce qui fait qu’on pourrait être des inconnus les uns pour les autres. On travaille donc beaucoup le sens du service, du don de soi ». Il n’est pas exceptionnel qu’un campeur ait besoin de l’aide d’un de ses pairs pour porter son sac à dos, qui parfois devient trop lourd, pendant un bout de l’expédition. Humilité et générosité sont donc au rendez-vous, et c’est loin d’être toujours facile.
Le souci du frère est bien présent tout au long de la marche. Régulièrement, les jeunes sont invités à partager ce qu’ils ont contemplé chez l’autre pendant la journée. Ils doivent se rendre service, et ce, toujours à partir d’allégories thérapeutiques qu’on leur livre et à laquelle ils doivent trouver une réponse; ils ont le temps de penser, d’y réfléchir pendant la marche. « Il y a donc une descente intérieure qui se fait, une démarche de type pèlerinage », soutient M. Guérette.
Un homme et sa passion
Dans les années 1980, le service de pastorale du diocèse de Québec mettait sur pied, pour les garçons, une colonie de vacances (Jeunes en projet) avec un volet de réflexion vocationnelle. Plusieurs directeurs ont alors veillé à son bon fonctionnement. En 2003, quand on soumet l’idée à Yves Guérette de reprendre le flambeau, un tournant s’opère. Il a carte blanche. Conscient du changement de mentalité des adolescents d’aujourd’hui, il propose une nouvelle formule (délaissant la dimension vocationnelle) qui déjà, après seulement trois ans d’existence, a fait ses preuves.
Pour arriver à offrir la formule En piste, l’actuel directeur s’est nourri de ses vingt-deux années d’expérience en colonie de vacances. Il s’est largement inspiré d’un séjour en France qu’il avait vécu en 1992 et qui l’avait saisi profondément : le camp Marche. Un rêve personnel le tenaillait aussi depuis des lunes : se taper l’Appalachian Trail dans le Maine. La combinaison des trois allait devenir la recette parfaite pour faire vivre à des gars une virée inoubliable.
Et lorsqu’on demande à Yves Guérette sa motivation à s’investir ainsi auprès des jeunes, il s’empresse de répondre : « Les roches, les montagnes, elles sont toujours là, c’est toujours pareil. Mais lorsqu’elles nous permettent de mettre la main sur l’épaule du gamin à l’arrivée et lui dire : As-tu vu ce que tu viens de réaliser? C’est là que tout prend son sens. Quoi qu’on fasse comme activité, ça m’est égal. Ce n’est pas tant la forme qui m’intéresse, que d’avoir un prétexte exceptionnel pour accompagner les ados à devenir le plus eux-mêmes. »