« Dieu t’attendait en prison! »
D’aussi loin qu’il se souvienne, M.
D’aussi loin qu’il se souvienne, M. André Patry a toujours voulu servir les marginaux, et c’est auprès de détenus qu’il répondra à cet appel. « Je suis entré chez les Trinitaires... pour aller en prison! confesse-t-il. C’est une communauté qui allie la dimension contemplative et l’action auprès des rejetés, des paumés; ça m’a fasciné! Jeune, j’avais un attrait pour le monde marginal. Au collège, comme responsable du journal étudiant, j’interviewais des prostituées, des gars de gang. » André entre donc en communauté en 1962. « Comme je voulais aller en prison, j’ai fait des études en pastorale spécialisée, j’ai suivi des cours en criminologie. » Peu de temps après son ordination comme prêtre, un poste d’aumônier s’ouvre à la prison de Bordeaux, le lieu de détention le plus dur au Québec. « C’était en janvier 1969; j’avais 26 ans. Comme prêtre, j’avais fait des remplacements au Mont Saint-Antoine [maison d’accueil pour les jeunes délinquants] et, parfois, j’allais en prison faire des animations catéchétiques. »
Qui est Dieu pour les personnes en-dedans? « C’est un Dieu punitif, terrible; ils se disent : "Dieu m’a puni parce que j’ai fait du mal." Moi, je répondais : "Dieu ne t’a pas puni, mais t’attendait en prison." Parler de l’infinie miséricorde d’un Dieu, leur dire que le pardon de Dieu est un don gratuit, les surprenait toujours. Ils avaient une soif d’entendre parler d’un Dieu présent, qui est essentiellement amour, qui ne vient pas nous guetter, mais cherche la brebis perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve. Des détenus disaient : "Je suis cette brebis!" »
On ne peut passer 38 ans derrière les barreaux1 et ne perdre ni la foi en Dieu ni l’espoir en l’humain sans des convictions profondes. « La première chose sur laquelle j’ai basé toute mon intervention, ça a été la dignité de la personne humaine. J’ai toujours essayé que soit respectée la personne que j’avais devant moi. Ce sont des êtres qui n’ont pas d’apparence, qui ne sont rien, qui n’ont rien, et en même temps qui sont d’une richesse infinie. On ne perd jamais sa dignité, c’est une partie ontologique de l’humain. La deuxième chose, c’est qu’être aumônier en prison a été une véritable grâce dans ma vie, un cadeau de Dieu d’une rare valeur, un Dieu dont j’ai entendu l’appel dans chaque prisonnier rencontré, un Dieu lui-même prisonnier de nos églises par les règles et les rituels. »
Et bien sûr le fameux chapitre 25 de l’Évangile de Matthieu – le jugement dernier – est un vibrant appel à accueillir l’autre. « L’autre, c’est le Christ; c’est ce dont il faut prendre conscience : que chaque personne qui se présente à moi est la personne du Christ. "Aimez-vous les uns les autres" se vit dans l’amour de Dieu, avec le cœur de Dieu. Combien de fois j’ai connu la grâce de voir l’œuvre de l’amour de Dieu dans une personne! Les principes de l’amour inconditionnel, c’est de ne pas juger les personnes qui ont tellement déjà été jugées; de ne jamais poser de questions, de respecter le droit au secret, ils ont déjà tellement subi d’interrogatoires et, souvent, c’est ce respect qui permet le véritable partage; de ne jamais cautionner le mal, mais de chercher le bien dans la personne; et de garder les liens au cas où ils pourraient avoir envie de changer. » Et André Patry ajoute qu’à l’amour, il faut ajouter un bon sens de l’humour.
Et même à la retraite, M. André Patry n’en a pas fini avec les détenus. Il a ouvert Oasis-liberté2. « Nous y avons des activités, des célébrations eucharistiques, des groupes de discussion, des soirées d’échanges, des repas communautaires. Ce sont des détenus qui l’ont demandé; ils avaient vécu des expériences spirituelles et, une fois sortis, n’avaient pas de lieu pour poursuivre leur cheminement dans la foi. Plusieurs anciens viennent y faire de l’animation. On fait des visites dans les hôpitaux, de l’accompagnement des mourants, des messes aussi. »