Dieux et rois : l'Exode au cinéma
Permettez-moi de commencer par une petite histoire : un jour, un jeune revient de la catéchèse et raconte à sa mère le contenu de la leçon.
Permettez-moi de commencer par une petite histoire : un jour, un jeune revient de la catéchèse et raconte à sa mère le contenu de la leçon.
– Tu vois, maman, lorsque les Juifs esclaves se sont enfuis d’Égypte, Moïse est parti vers la Mer pour installer son camp. Le problème, c’est que le Pharaon s’est lancé à sa poursuite avec ses 600 tanks. Alors, Moïse a ordonné à ses ingénieurs de construire un pont au-dessus de la mer Rouge. Il a installé des barrages routiers pour ralentir les tanks et a réparti des fantassins armés de bazookas pour retenir les forces de Pharaon. Quand les Juifs se trouvaient tous de l’autre côté de la Mer et les Égyptiens étaient à mi-chemin du pont, Moïse a ordonné à son équipe de dynamiter le pont. Les Égyptiens et leurs tanks ont été noyés dans les eaux et les Juifs ont eu la vie sauve!
– Est-ce vraiment ce qu’ils vous ont raconté au catéchisme?
– Non, réplique l’enfant, mais si je te répétais ce que le professeur nous a vraiment raconté, tu ne me croirais jamais.
Comme pour le petit garçon de cette histoire, l’adaptation cinématographique de grands récits bibliques ne va pas de soi. Comment rester crédible malgré la présence d’éléments merveilleux ou surnaturels. Le film est pris dans ce dilemme. D’un côté, les critiques de cinéma n’ont pas aimé le film parce qu’il ne semble pas avoir les qualités attendues pour un film épique provenant d’un réalisateur respecté du milieu. Le jeu inégal des acteurs et l’invraisemblable distribution caucasienne n’ont pas aidé un scénario jugé problématique.
De l’autre, les groupes religieux ont trouvé que le film n’était pas tout à fait fidèle au récit biblique. En effet, plusieurs changements sont proposés : le bâton donné par Dieu à Moïse est remplacé par une épée du Pharaon; Moïse tue un Égyptien pour sauver sa propre vie, et non pour celle d’un compatriote; la mer se retire de façon naturelle; etc. Pour ma part, ces adaptations ne m’ont ni choqué ni particulièrement inspiré.
Entre science et foi
Ce que j’ai aimé du film est qu’il illustre bien la tension entre l’interprétation respectueuse du récit biblique et l’interprétation rationnelle de celui-ci. Une scène démontre bien cette difficulté. Devant les plaies, un des conseillers du Pharaon tente de trouver des explications logiques qui évoquent les tentatives contemporaines d’explications. Le Pharaon les trouve plus ou moins convaincantes, et moi aussi. Heureusement, cette adaptation a décidé de ne pas enlever tous les éléments merveilleux si caractéristiques de ce récit.
Qui est ce Dieu?
Le rôle de Dieu est joué par un enfant de onze ans. Ce Dieu semble d’ailleurs avoir la psychologie d’un enfant de cet âge, puisqu’il se fâche et se venge s’il n’a pas ce qu’il veut. À ce sujet, la réplique la plus intéressante provient du Pharaon qui demande une question très contemporaine : « Qui peut croire en un Dieu tueur d’enfants? » Honnêtement, le Dieu mis en scène dans ce film est assez loin de ma perspective personnelle de croyant. L’effet d’un Dieu enfant aurait pu être intéressant si le film avait gardé le spectateur dans le doute au sujet de son identité réelle, mais ce n’est pas le cas. La relation de Moïse avec Dieu nous donne le sentiment qu’il est schizophrène. Sa première expérience provient d’une vilaine chute qui lui a causé une perte de conscience. Par la suite, Moïse est le seul à pouvoir voir Dieu ou à dialoguer avec lui.
Moïse, le général
De son côté, Moïse est présenté comme un général d’armée, fort, intelligent et violent. D’ailleurs, la relation Moïse-Pharaon fait vraiment penser à celle de Caïn et Abel. Il fallait s’attendre à ce que la violence soit mise de l’avant par Ridley Scott, célèbre pour son film Gladiateur.
Allez voir L’Exode : dieux et rois? Pourquoi pas. C’est un film à grand déploiement d'une belle qualité visuelle, mais ce n’est ni un film exceptionnel ni un film qui permet une réflexion spirituelle.