Nos sœurs en ville
Des religieuses au cœur du mondeElles sont quatre.
Des religieuses au cœur du monde
Elles sont quatre. Elles sont âgées de 82 à 90 ans. Ces femmes ont chacune près de soixante ans de vie religieuse et vivent dans un quartier populaire à Alma depuis plus de quarante ans. Leur regard vif et l’enthousiasme ne manquent pas lorsqu’elles me racontent leur histoire, leur vie de religieuses « au cœur du monde ». Elles sont des religieuses de l’Institut Notre-Dame-du-Bon-Conseil de Montréal depuis 1989, mais elles ont d’abord prononcé leurs vœux dans une autre communauté religieuse.
Sœurs Antoinette Dion, Georgette Beaulieu, Étienne Dallaire et Jeanne d’Arc Fortin, quant à elles, sont entrées chez les Augustines de Roberval au début de la vingtaine, attirées par la vie religieuse et le soin des malades. Dans les années 1960, l’étude des documents du Concile Vatican II sera le déclencheur et le soutien de la réflexion et de l’expérience singulière de ce petit groupe de religieuses. Interpellées fortement par la constitution L’Église dans le monde de ce temps, quelques augustines, accaparées par leur travail de pionnières à l’hôpital d’Alma, prennent peu à peu conscience du fait qu'elles se sentent étrangères à la vie du monde et aux réalités sociales qui les entourent. « On ne connaissait pas le monde, ce qu’on vivait dans notre monastère nous tenait éloignées de la vie réelle des autres citoyens et citoyennes », me confie sœur Georgette.
L’histoire de sœur Jeanne d’Arc Tremblay est différente de celle de ses compagnes. Jeanne d’Arc était membre d’une communauté cloîtrée au moment du Concile et c’est par une décision d’autorité du cardinal Léger que le changement de communauté fut imposé à son petit groupe à la fin du Concile Vatican II. En 1989, après vingt ans dans sa nouvelle communauté, elle vient rejoindre à Alma ses nouvelles consœurs de l’Institut Notre-Dame du-Bon-Conseil de Montréal.
La vie fraternelle au quotidien
En 1969, trois augustines obtiennent la permission de vivre une expérience en quartier populaire. Elles quittent alors le monastère, le costume religieux et une vie tout organisée. Dans un petit appartement semi-meublé au centre-ville d’Alma, elles apprennent à vivre dans le monde, affrontant les mêmes réalités que leurs voisins et voisines. Assurer les tâches domestiques, se déplacer pour aller travailler, encaisser et faire des chèques, gérer le budget afin de se loger, de se nourrir, de se vêtir et subvenir à l’ensemble de leurs besoins. C’est ainsi qu’elles ont entendu l’appel du Concile Vatican II à exercer leur apostolat dans le monde. D’autres augustines les rejoindront un certain temps dans leur quête de justice sociale et leur profond désir de vivre la vie religieuse et fraternelle au cœur des réalités de leur milieu. Elles sont nos sœurs en ville en la Cité d’Alma. Depuis plus de quarante ans, leur vie religieuse et apostolique est mue par une recherche d’authenticité.
Elles vivent avec les gens en quartier populaire. Quelques années plus tard, quelques-unes quitteront leur travail à l’hôpital pour se consacrer à diverses œuvres sociales. Engagées au cœur des réalités d’Alma, elles collaborent étroitement avec des organismes communautaires, en fondent d’autres en réponse à des besoins nouveaux, s’investissent chez les Al-Anon et apportent un soutien concret à leurs concitoyens et concitoyennes. L’action sociale est multiple : analyse du milieu almatois, coopération, défense des droits, lutte à la pauvreté, engagements féministes, sociopolitiques et auprès des aînés et aînées, etc. Le milieu populaire d’Alma est leur milieu. Elles sont des augustines dans le monde.
Chez les sœurs Notre-Dame-du-Bon-Conseil
Après vingt ans de vie en quartier populaire et d’action sociale, la communauté des Augustines, par un décret, leur demande de choisir : revenir au monastère, se séculariser, trouver ou fonder une autre communauté religieuse. Leur réflexion les mènera auprès des sœurs de Notre-Dame-du-Bon-Conseil de Montréal où elles sont séduites par l’œuvre et le charisme de la communauté. Cinq d’entre elles se sentent interpellées dans leur apostolat par les œuvres de cette communauté. Graduellement, elles s’intègrent à cette communauté et deviennent des sœurs de l’Institut Notre-Dame-du-Bon-Conseil de Montréal. C’est à ce moment que vient les rejoindre sœur Jeanne d’Arc Tremblay au cœur de la Cité d’Alma.
Leur nouvelle communauté se montre très accueillante et respectueuse de leur histoire. Les sœurs de Notre-Dame-du-Bon-Conseil de Montréal n’ont pas renié pour autant les Augustines. « Ce sont nos racines, nous les fréquentons encore! », me diront-elles. Avancées en âge, leur dynamisme et leur engagement dans l’action sociale, politique et féministe continuent d’étonner. Leur quête active de justice sociale interpelle encore aujourd’hui. Au moment d’écrire ces lignes, deux d’entre elles sont à Saint-Félicien, dans le comté de Roberval, où elles rencontrent le député et premier ministre du Québec, Philippe Couillard, au sujet du projet de loi 52 sur l’aide médicale à mourir.