Pluralisme religieux : la convivialité est-elle possible?
Le pluralisme religieux : une convivialité possible? Cette question a fait l’objet d’une journée d’étude organisée par le Centre Justice et foi (CJF) et le Centre d’études ethniques des universités montréalaises (CÉETUM).
Le pluralisme religieux : une convivialité possible? Cette question a fait l’objet d’une journée d’étude organisée par le Centre Justice et foi (CJF) et le Centre d’études ethniques des universités montréalaises (CÉETUM). Deux thèmes y étaient traités : les croyants au Québec et le rôle des groupes religieux dans l’intégration des immigrants. Pour la majorité catholique notamment, il devient indispensable de bien connaître la réalité socioreligieuse actuelle afin de contribuer activement à la qualité du vivre-ensemble au Québec. C’est du moins ce qu’a estimé le CJF en organisant cette journée. Des chercheurs du Groupe de recherche en diversité urbaine (GRDU) y ont présenté le résultat d’observations recueillies auprès de 155 groupes religieux issus de Montréal et d’autres régions. Composés d’immigrants ou de natifs, ces groupes représentent l’éventail des religions présentes ici. À l’automne, le bulletin Vivre ensemble (CJF) fera paraître le texte des conférences, et les rapports préliminaires de cette recherche ethnographique sont disponibles en ligne1.
La religion serait source de problèmes entre la majorité – naguère catholique, mais aujourd’hui distanciée de l’institution ecclésiale et réclamant la laïcité – et les immigrants, exigeant sans cesse des « accommodements » religieux. Les données de la recherche invitent à plus de nuances! On y décèle, de fait, une sorte d’« invisibilité du religieux » au Québec. Parmi les Québécois « de souche » se trouvent des catholiques pratiquants actifs. Cependant, plusieurs préfèrent plutôt parler de spiritualité et adopter des trajectoires spirituelles individuelles. Certains puisent à diverses sources religieuses tout en maintenant un imaginaire religieux chrétien. D’autres se disent « sans religion », alors qu’ils sont plutôt sans affiliation religieuse fixe. Un bon nombre demeurent croyants, en quête d’une expérience subjective de la transcendance. Difficilement dénombrable en raison de pratiques communautaires aléatoires ou inexistantes, ils sont « invisibles ».
Il y a 800 lieux de culte répertoriés à Montréal et les immigrants – majoritairement catholiques – sont considérés plus pratiquants que la population locale. Malgré cela, le religieux est également « invisible » parmi eux. En effet, plusieurs se montrent discrets quant à leur appartenance religieuse, ne fréquentent pas de lieux de culte, s’en tiennent à des pratiques privées ou n’ont pas de lieux de rassemblement. Les chercheurs estiment que la diversité religieuse est autant le fait de la majorité sociale que celui des immigrants et qu’il y aurait une « majorité silencieuse » de croyants au Québec.
Le discours sur la religion ou la spiritualité comme facteur de guérison et de santé se trouve dans tous les groupes religieux à cause du sens qu’il donne aux difficultés de la vie. L’engagement communautaire pour combattre les inégalités sociales sert aussi de dénominateur commun entre groupes religieux et un certain niveau de confiance réciproque alimente la convivialité intragroupe et intergroupe. La mixité culturelle se retrouve partout, de sorte qu’au Québec, on vit une forme de cosmopolitisme religieux fait d’ouverture, sans pour autant mener à des conversions. Par ailleurs, les groupes religieux d’immigrants jouent un rôle essentiel dans l’insertion sociale de
leurs membres par la variété des ressources et des services offerts. Ils servent de médiateurs efficaces entre la société d’accueil et les nouveaux arrivants. L’environnement québécois est assez favorable aux religiosités des immigrants qui, pour la plupart, cherchent à adapter leurs pratiques à leur nouveau contexte de vie.
Les tensions avec la société d’accueil surgissent davantage des rapports familiaux entre la première et la deuxième génération, les jeunes préconisant l’abandon de la langue d’origine et l’adoption des pratiques culturelles d’ici. L’autre source de tensions pour les immigrants croyants et pratiquants réside dans la confrontation de modèles familiaux contraires à leurs prescriptions religieuses (mariage, rôle de l’homme et de la femme, autorité parentale, etc.).
Sans vouloir gommer les tensions existantes, on peut affirmer que la convivialité religieuse est ici possible. La recherche invalide l’idée que les différences religieuses sont nécessairement source de conflits et de ghettoïsation. La religion peut être vue comme facteur de rapprochement interculturel. L’engagement pour la justice et pour des causes humanitaires est le mode d’interaction à privilégier pour favoriser la connaissance mutuelle et un vivre-ensemble harmonieux entre groupes religieux.