Perspectives Quelle Église, quels ministères pour les femmes?
Il est devenu presque banal de référer au concile Vatican II quand il s’agit de parler de mouvements d’Église qui prônent des changements dont celui que représente le réseau Femmes et Ministères.
Il est devenu presque banal de référer au concile Vatican II quand il s’agit de parler de mouvements d’Église qui prônent des changements dont celui que représente le réseau Femmes et Ministères. Mais pour en bien saisir les enjeux, il est nécessaire de faire une lecture approfondie des documents du concile les plus pertinents, à savoir Lumen gentium et Gaudium et spes. On comprendra mieux alors combien immense est l’espérance des femmes engagées dans la transformation des rapports entre les femmes et les hommes dans l’Église.
1. Deux ecclésiologies « côte à côte », comme l’exprimait Leonardo Boff, voilà ce qui ressort des documents du concile. Elles correspondent aux deux modèles qui se sont affrontés lors des sessions du concile : d’abord l’affirmation de l’Église comme société, puis celle de l’Église-communauté. L’ordre des chapitres de Lumen gentium marque certes une évolution : le document débute par une présentation de l’Église sacramentelle, mystérique1; puis, le concept englobant de peuple de Dieu devance (ch. 2) celui de la constitution hiérarchique de l’Église comme société (ch. 3). Mais s’il y a une avancée certaine à parler du peuple de Dieu, réalité englobant les laïcs et les clercs, le fait de garder en parallèle l’autre modèle, l’Église comme société hiérarchique, affaiblit cette intention. On a tenté une articulation de ces deux modèles dans le concept de communion hiérarchique : même si la communion peut servir de pont entre les deux, le fait de la relier à une hiérarchie qui s’impose de l’extérieur l’annule complètement. Comment réussir une communion des croyants et croyantes si les fonctions de service, les charismes, etc. ne surgissent pas de la communauté elle-même, y compris le sacerdoce ministériel?
2. Les femmes sont de plus en plus nombreuses à exercer des fonctions administratives ou de service dans les organismes paroissiaux ou diocésains. Et cela, parmi les aléas des politiques vaticanes depuis le Concile. Mais la sincérité et la constance de leur engagement, la diversité et la créativité de leurs charismes autant que le sérieux de leur compétence ne sont pas reconnus dans toute leur ampleur parce qu’elles restent exclues des ministères ordonnés, plus précisément du « sacerdoce ministériel ». Pourtant, par leurs fonctions pastorales, elles contribuent à former la communauté, à « faire Église », comme certains disent. Elles exercent des ministères; mais du fait de leur exclusion des « ministères ordonnés », leur situation illustre d’autant plus le modèle clérical, masculin et patriarcal de la hiérarchie et de l’autorité dans l’Église. Par ailleurs, si elles étaient « ordonnées » selon le modèle d’Église hiérarchique que l’on connaît encore dans l’Église catholique, elles ne feraient pas nécessairement changer les choses en termes d’autoritarisme et de pouvoir « sacré ».
L’espérance qui anime les femmes croyantes, engagées à la suite de Jésus, c’est la foi en l’action de l’Esprit pour achever ce que le concile de Jean XXIII a semé : une Église-communauté bien ancrée dans « le monde de ce temps », inscrite dans nos sociétés modernes ou plutôt postmodernes, travaillant à construire la communion des humains entre eux, à bâtir « la communauté des disciples égaux ». De là viendrait une diversité de ministères dans l’ekklesia, ce qui n’exclurait pas l’exercice de la fonction d’autorité responsable de la communion avec et selon Jésus.