Départ émouvant d’un éveilleur de consciences
Né à Montréal le 16 février 1935, Guy Paiement vécut son enfance à Rosemont.
Né à Montréal le 16 février 1935, Guy Paiement vécut son enfance à Rosemont. Issu d’un milieu modeste, sa famille connaîtra, comme bien d’autres, des moments difficiles pendant la Crise. Quand il n’y avait plus de combustible dans la maison pour se chauffer l’hiver, Guy (l’aîné des enfants) allait dans les ruelles du quartier ramasser tout ce qu’il pouvait trouver (papiers, cartons...) Ce qu’il vécut alors déclencha en lui un refus de l’inacceptable qui sera le point d’ancrage de ses engagements futurs.
Il devint jésuite en 1956 et son appartenance à la Compagnie de Jésus ne s’est jamais démentie. Après des études en philosophie, en théologie et en sciences sociales, Guy se joint, en 1971, à une douzaine de laïcs et une religieuse pour fonder une communauté de base (la communauté des Chemins). Les chrétiens et chrétiennes qui la composent alors se cherchent une nouvelle façon de faire Église, dans la foulée de Vatican II : célébration et prière, discernement de la nouveauté de l’évangile, fraternité et partage, lectures communautaires de la Bible, transformation du milieu et parti pris pour les exclus de la société.
Pendant les 39 ans que la communauté a existé, Guy a été pour celle-ci une source d’inspiration toujours renouvelée. Il savait initier les gens à l’art de lire les « signes des temps », de donner des pieds et des mains à la foi, de mettre ensemble réflexion et action, de voir autour de soi les « petites pousses » (les résurrections).
Un des évangiles qui l’inspirait beaucoup est celui de la « sortie de table » (Jean 13). Jésus est à table avec ses disciples, il se lève, enlève son manteau, quitte la table et revêt le tablier de celui qui fait le service, le serviteur, celui qui est en bas de l’échelle sociale. Jésus prend donc la place de celui qui n’est pas dans le repas. Quand on se met à la place du serviteur, on voit les choses différemment. On se rend compte qu’il faut faire de la place, car il manque des gens à table, et tant qu’il y aura du monde maintenu hors de la table des richesses, des savoirs, des pouvoirs, ce ne sera pas le repas que Jésus a voulu.
Éternel optimiste, artisan du « neuf », homme du terrain et du quotidien, Guy soutient que « la foi sans les actes, ce n’est pas la foi », que « la foi doit avoir de la terre après les pieds », que « la foi chrétienne est moins un trésor à défendre qu’un chemin à garder ouvert » et qu’« il faut être des sages-femmes les uns pour les autres ». Cela se traduit au ras du sol. Désirant vivre avec « le monde ordinaire », il a cofondé la coopérative d’habitation Marie-Gérin-Lajoie où il a vécu de 1978 jusqu’à sa mort. S’appuyant sur sa foi et ses racines, il avait la conviction que la solidarité et le partage sont le gage d’une société qui doit agir pour lutter contre les inégalités sociales.
Animateur infatigable, doté d’une spiritualité inspirée et inspirante, éveilleur de consciences, habité d’un feu intérieur constant, il avait du souffle, de l’imagination, et il n’a eu de cesse de démarrer, de dénoncer, d’analyser, de questionner, de soutenir. Cela l’a amené à mettre sur pied la Table de concertation Justice et foi (1986), la Table de concertation sur la faim et le développement social (1986) et les Journées sociales du Québec (1991). Il a présenté et animé le dossier « le Québec cassé en deux » dans les régions du Québec. Il a été agent de recherche et de développement social au Centre Saint-Pierre pendant 22 ans et il fut l’un des pionniers des revendications pour la sécurité alimentaire. En 1992, il a cofondé le Groupe Ressource du Plateau Mont-Royal (défense et promotion des droits des citoyens à revenus précaires) et, en 1994, des groupes d’achats coopératifs en alimentation et des carrefours citoyens (rencontres avec le député).
Grand défenseur de la dignité humaine, Guy avait à cœur la cause du Québec souverain. « Être souverain, c’est être en mesure de sauver, ensemble, une certaine saveur d’humanité », disait-il. Jusqu’à la fin de sa vie, il sera un homme épris de justice, dans la ligne de la tradition prophétique. L’an dernier, il a mis sur pied la commission Emmaüs qui a regroupé, en novembre 2009 au Centre Saint-Pierre, 150 personnes préoccupées par les problèmes sociaux et ecclésiaux actuels.
Tour à tour orateur, professeur universitaire, écrivain, chercheur, éducateur populaire, formateur, citoyen impliqué, il n’a eu de cesse, tout au long de sa vie, de travailler au développement de la conscience sociale à partir d’un éclairage évangélique. Un de ses leitmotivs était : « Ressusciter, c’est se remettre debout, et aider les autres à faire de même! » C’est pour cela que ses proches n’ont pas été très étonnés qu’il les quitte le jour de Pâques!